Monde

À Hong Kong comme dans de nombreux pays d’Asie, beaucoup d’habitants portent le masque chirurgical. Mais ici, ce n’est pas de la pollution ou des microbes que l’on se protège, mais des gaz au poivre que fait pleuvoir la police sur les dizaines de milliers de manifestants, qui adoptent du coup le parapluie comme autre moyen de protection.

Le site Appledaily.com a eu la bonne idée de filmer les événements à l’aide d’un drone :

Ces étudiants occupent les rues à proximité du siège du gouvernement local, après avoir réussi à forcer les barrages des forces de sécurité ce weekend. Les manifestants cherchent à faire pression sur l’assemblée législative, qui doit voter au printemps prochain le nouveau mode de désignation du pouvoir exécutif.  Hong Kong, rattaché à la Chine communiste en 1997, bénéficie en effet d’un statut spécial. Pékin a décidé fin août de renforcer son contrôle sur les élections, en limitant le nombre de candidats à un maximum de trois, préalablement validés par un conseil électoral.

Les manifestants, qui devaient à l’origine se rassembler ce 1er octobre, anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine, accusent les parlementaires d’avoir prêté allégeance à Pékin. Les étudiants, en grève depuis la semaine dernière, ont décidé de précipiter la confrontation.

Ce weekend, les affrontement les plus violents ont eu lieu et ont fait des dizaines de blessés. Ce lundi, la situation s’est vraisemblablement calmée. Si les manifestants occupent toujours le terrain, la police a cessé ses attaques.

Pékin de son côté n’intervient pas directement mais a décidé de renforcer le contrôle du Web chinois. Le réseau Instagram, particulièrement utilisé par les manifestants à Hong Kong, et ainsi inaccessible dans le reste du pays, afin d’éviter une éventuelle contagion.

Mise à jour : voici une autre vidéo qui vaut le détour !

Photo : @evatam / Wall Street Journal / Twitter

Alors que la Syrie et l’Irak n’ont plus le monopole des guerres ouvertes entre sunnites et chiites – les événements au Yémen sont toutefois plus d’ordre politique que religieux – de plus en plus de témoignages nous parviennent quant à l’organisation de la vie quotidienne au sein de l’État islamique en Irak et au Levant, aussi appelé Daesh.

Des ministères, des tribunaux et même une « autorité de protection des consommateurs »

Interrogé par l’AFP, un habitant de Raqqa, ville pro-Bachar du nord de la Syrie tombée aux mains des djihadistes en avril 2013, raconte comment ces derniers essayent d’organiser les institutions d’un véritable état. L’État islamique a ainsi mis en place dans sa nouvelle capitale des ministères de la Santé, de l’Éducation, de la Défense ou encore des Affaires religieuses. Ils occupent les anciens bâtiments officiels abandonnés. Des tribunaux fonctionnent également, recevant les plaintes et jugeant selon la charia, qui est enseignée aux plus jeunes dans les écoles. Des camps encadrent l’entrainement des adolescents plus âgés

Les installations pétrolières et gazières, ainsi que les centrales électriques et les infrastructures installées sur l’Euphrate sont vitales pour l’avenir du califat et continuent donc à tourner. « Il y a même une autorité de protection des consommateurs » ironise Abou Youssef, un militant opposé à Daesh. Pourtant, le califat ne fait pas de cadeaux à la population d’une ville où Bachar al-Assad avait passé les fêtes de l’Aïd al-Fitr en 2012, après le début du conflit.

Les djihadistes, qui sont les seuls à pouvoir être armés, ont organisé des brigades chargées de faire la police. Il y en a même une composée exclusivement de femmes armées qui ont le droit d’arrêter et de fouiller n’importe quelle femme dans la rue. Là-bas, tout est noir, des drapeaux de l’EIIL aux burqas des femmes, en passant même par les passeports attribués par le califat.

La ville est restée fidèle au régime jusqu'au bout / CC James Gordon
La ville est restée fidèle au régime jusqu’au bout / CC James Gordon

Les djihadistes touchent un salaire minimum de 300 euros par mois

Les habitants n’ont pas le droit de s’installer dans les cafés, réservés aux djihadistes, qui les excluent de la plupart des lieux publics. « Rien de bon ou d’amusant n’est autorisé », témoigne un autre habitant. Il est interdit de fumer ou de vendre du tabac. Une femme ne peut pas sortir sans voile intégral et sans être accompagnée par un homme de sa famille. « Chaque jour, quand le muezzin appelle à la prière, tout le monde ferme sa boutique et va à la mosquée, sous peine de prison », ajoute l’homme.

Les corps crucifiés et les têtes coupées qui ornent certaines places de la ville rappellent le sort de ceux qui s’opposent trop directement à l’EIIL. Enfin, pour asseoir sa domination et financer sa guerre, le califat prélève l’impôt auprès des non-djihadistes : les commerçants doivent ainsi payer 60 euros par mois, ce qui est beaucoup compte tenu de la situation du pays. « Même ceux qui sont trop pauvres pour payer doivent s’y plier » constate un dernier opposant interrogé par l’AFP. Ces derniers n’ont alors souvent pas d’autre choix que de rejoindre les rangs des djihadistes et pratiquent l’extorsion à leur tour.

Cet argent sert notamment à rémunérer les combattants et les fonctionnaires du califat, qui touchent un salaire de base de 300 euros par mois. De quoi pousser d’autres habitants désespérés à les rejoindre. Selon l’International Business Times, les djihadistes de l’État islamique représentent le « groupe terroriste le plus riche du monde ». Outre le racket pratiqué sur les populations locales ou les voyageurs qui traversent leur territoire, qui rapporterait une centaine de millions d’euros par an, l’organisation se finance grâce aux enlèvements et à la contrebande de pétrole et d’antiquités.

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Raqqa et Mossoul sont les principales villes conquises par l’EIIL

Un capital total de 2,3 milliards de dollars

Ils auraient ainsi développé un large réseau d’intermédiaires dans les pays voisins et revendraient du pétrole raffiné clandestinement « entre 25 et 60 dollars le baril, soit bien moins que les 100 dollars qui ont cours sur les marchés mondiaux », affirme Lou’aï al-Khattib, chercheur au Brookings Doha Center, une antenne d’un institut socio-économique américain implanté au Qatar. Selon lui, ces ventes assureraient aux djihadistes une manne financière quotidienne de 2 millions de dollars.

Au total, le budget du califat s’élèverait à 2,3 milliards de dollars, comme le laisse penser des informations retrouvées dans la cache d’un de ses dignitaires. Cet argent permettrait d’entretenir entre 20 000 et 60 000 combattants en Syrie et en Irak selon les sources, dont de nombreux non-syriens issus du Golfe, de Tchétchénie ou d’Asie Centrale. Plusieurs milliers d’occidentaux sont également sur place, venu seuls ou en famille.

 

Le référendum relatif à l’indépendance de l’Écosse vis-à-vis du Royaume-Uni sera, en cas de victoire du Yes, un événement historique majeur : la renaissance d’une nation millénaire et la fin d’un empire.

Le Yes est cependant encore loin de l’avoir emporté. Les premiers sondages qui le donne vainqueur ne datent que de la semaine dernière. Ils témoignent de la force du mouvement qui a réussi à enthousiasmer les Écossais encore indécis, alors que les partisans du non n’ont axé leur campagne que sur des craintes alarmistes pour l’avenir.

Pourtant, l’exemple du Québec, qui avait voté pour l’indépendance en 1995, est significatif : malgré la victoire indépendantiste dans les sondages, le non l’avait emporté de justesse. En Écosse, les trois derniers sondages donnent ainsi le No vainqueur avec 52% des suffrages.

Mais dans tous les cas, les Écossais seront plus autonomes. Devant le risque de cession, les principaux chefs politiques britanniques se sont alliés autour de David Cameron pour leur demander de rester au sein du Royaume-Uni, quitte à bénéficier d’une plus grande liberté politique. Même Barack Obama s’est montré en faveur du No.

Car le départ de l’Écosse serait un vrai coup dur pour le Royaume-Uni, sans parler des éventuelles répercussions à l’échelle de l’Europe et du monde.

Le Royaume-Uni, une puissance en déclin

Cela fait 307 ans que l’Angleterre et l’Écosse sont unies sous les couleurs de l’Union Jack. En plus de la perte du fond bleu de leur drapeau, une cession toucherait directement l’identité des Britanniques : celle de l’Irlande au lendemain de la Première guerre mondiale annonçait la dislocation de l’Empire et la perte définitive de son influence sur le Canada, l’Australie et finalement l’Inde. Difficile pour une nation qui dominait le monde il y a encore un siècle de voir son territoire, amputé de l’Écosse, se réduire à un tiers de la France métropolitaine !

Mais les préoccupations des Britanniques sont bien plus concrètes. Du point de vue économique, l’indépendance priverait le Royaume-Uni de 96% de ses réserves pétrolières et de 52% de ses réserves gazières, qui se trouvent au large de l’Écosse. Soit un manque à gagner évalué entre 22 et 48 milliards d’euros sur les cinq prochaines années, selon les prévisions de Londres et celles, beaucoup plus optimistes, des indépendantistes.

Le secteur de l’énergie n’est pas le seul impacté : le Royaume-Uni pourrait perdre 12% de ses revenus touristiques, tandis que le secteur agroalimentaire serait également touché. Pire, les Britanniques se priveraient de 90 distilleries de Scotch ! Au total, l’indépendance de l’Écosse enlèverait au Royaume-Uni 9,2% de son PIB.

Une rivalité ancestrale
Une rivalité ancestrale

Vers la sortie de l’UE ?

Seul point positif, le Royaume-Uni économiserait 15 milliards d’euros par an en se débarrassant du système de santé écossais. Les répercussions en matière de démographie ont toutefois une importance capitale : les 5 millions d’Écossais, s’ils ont l’un des pires niveaux de santé d’Europe, comptent parmi les populations les plus instruites du continent. 52,8 % d’entre eux ont fait des études supérieures, contre une moyenne de 46,6% pour le reste du Royaume-Uni.

Par ailleurs, les Écossais sont traditionnellement de gauche. La perte de cet électorat, déterminant dans l’alternance des pouvoirs, va totalement redistribuer les cartes en Angleterre. La gauche risque de perdre une quarantaine de députés (sur un total actuel de 258), contre seulement un pour la droite, majoritaire avec 361 députés. Ce revirement à droite va grandement favoriser l’UKIP, le parti nationaliste britannique qui milite pour une sortie de l’Union Européenne…

Si le référendum a d’importantes répercussions, notamment en Espagne auprès des indépendantistes catalans, il pourrait également priver dans quelques années l’UE de l’une de ses capitales économiques.

Quelle place au niveau mondial ?

L’indépendance pourrait enfin menacer la puissance nucléaire britannique, alors que les quatre sous-marins de son dispositif de dissuasion sont basés à l’ouest de l’Écosse.

En cas d’indépendance, les Écossais ont annoncé qu’ils refuseraient de conserver cet arsenal. Le coût d’un démantèlement et d’un déplacement en Angleterre s’élèverait à 10 milliards d’euros, soit le quart du budget annuel de l’armée. Et la reconstruction d’une base et d’infrastructures devraient gonfler l’addition. De quoi tenter Londres de laisser tomber son statut de puissance nucléaire, ou du moins d’ouvrir le débat.

Le Royaume-Uni a été la troisième puissance à se doter de l’arme nucléaire après les États-Unis et la Russie, alors que débutait la guerre froide. Mais les temps ont changé, d’autant que la flotte britannique est vieillissante. Son renouvellement, qui devrait être débattu en 2016, prévoit déjà de ne remplacer que trois des quatre sous-marins. Cela pour 22,7 milliards d’euros !

Mais comme le souligne Alan West, l’ancien chef de la marine britannique entre 2002 et 2006 : « Les Américains apprécient que nous soyons une puissance nucléaire. Cela poserait des problèmes avec eux. Au sein de l’OTAN, cela provoquerait une inquiétude. Peut-on vraiment rester un membre permanent du conseil de sécurité ? Je ne sais pas. »

L’administration de Barack Obama s’inquiète en effet de l’affaiblissement de l’un des ses principaux alliés, alors que la situation au Moyen-Orient est de plus en plus critique et que les tensions sont toujours vives avec la Russie, un autre membre du conseil de sécurité permanent de l’ONU.

La remise en question de la puissance nucléaire britannique pourrait d’ailleurs être utilisée par les pays onusiens qui militent contre le pouvoir des membres du conseil et aimeraient avoir plus de poids dans les décisions de l’instance internationale.

Mais Londres a encore des atouts dans sa main

Tout cela dépend évidemment des résultats du référendum. Personnellement, je pense que le non va l’emporter : en 1995 au Québec, des études ont révélé que la crainte de l’inconnu avait pesé plus que prévu au moment du vote.

Par ailleurs, même en cas de vote positif, le gouvernement britannique dispose encore de cartes à jouer. Si le Yes gagne, une période de deux ans doit encore mener l’Écosse vers l’indépendance. Elle sera utilisée pour négocier de nombreux points. Si les indépendantistes peuvent s’appuyer sur la répartition des ressources de la Mer du Nord ou sur la présence de l’arsenal nucléaire anglais, le Royaume-Uni dispose d’un pouvoir très important sur la question monétaire. Les Écossais veulent conserver la livre sterling puisque le pays fait l’essentiel de ses échanges commerciaux avec le Royaume-Uni mais aussi car il bénéficie de la protection de la Banque d’Angleterre. L’adoption de l’euro ne serait pas bénéfique alors que l’Écosse devrait respecter les contraintes budgétaires de Maastricht. Or les indépendantistes veulent au contraire être libres de mener leur propre politique budgétaire, choisir leur taux d’imposition, dépenser selon leur souhait…

Même en cas de victoire du Yes, le Royaume-Uni aura de sérieux atouts à faire valoir.

Crédits photos : Captures du film Braveheart 

 

Et sur Snackable.fr

C’est la rentrée ! Vous êtes heureux ? Nous plutôt car nous avons l’occasion de revenir sur les dossiers chauds de l’été.

Proche-Orient : situation toujours explosive

On l’a régulièrement évoqué lors du lancement de Snackable, mais la situation au Moyen-Orient est toujours aussi préoccupante. La faute à l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), aussi appelé l’État islamique, Daesh ou simplement le califat.

Pour faire court, ces djihadistes auparavant affiliés à Al-Qaïda ont fait un mauvais remake d’Iznogoud. Leur chef s’est vu calife à la place du calife et ils se sont brouillés avec l’organisation terroriste et les rebelles syriens qui combattaient comme eux le régime de Bachar.

Profitant du bordel ambiant, ils se tournent vers l’Irak et prennent plusieurs villes dont Mossoul le 10 juin et arrivent devant Bagdad. Au nord, la minorité Kurde, à qui tout le monde a toujours refusé la création du Kurdistan, profite de la situation pour apparaître comme la seule force stable de la région. L’Iran, chiite, s’est également engagé dans le soutien de ses coreligionnaires.

Ce tableau, réalisé par Slate, résume la situation diplomatique du Moyen-Orient. Cliquez pour la version interactive.
Ce tableau, réalisé par Slate, résume la situation diplomatique du Moyen-Orient. Cliquez pour la version interactive.

Finalement, les Occidentaux décident aussi d’intervenir début août lorsque leurs ressortissants et les communautés chrétiennes sont menacés. Entre temps, l’EIIL avait attaqué le Liban et a ensuite remporté une victoire significative sur les forces de Bachar en Syrie.

Les djihadistes ne sont que 10 à 20 000 combattants, mais ils disposent d’argent, grâce à la vente de pétrole de contrebande, du pillage et de financements privés… Mais aussi d’armes sophistiquées, achetées ou simplement volées à l’armée irakienne.

Ils représentent selon les experts une plus grosse menace qu’Al-Qaïda. Les Américains ont la possibilité de régler le problème, mais compte tenu des relations avec l’Iran, ils essayent sûrement de ne pas trop favoriser les chiites face aux sunnites.

Les décapitations successives de deux journalistes par les djihadistes pourraient les décider. Tout comme le fait que l’Irak représente la principale zone où les pays de l’OPEP s’attendent à trouver de nouvelles réserves pétrolières.

L’info bonus : si vous voulez en savoir plus sur la réalité du terrain, je vous conseille cet excellent reportage de Vice.

Gaza : rebelote après 2009 et 2012

Entre Israël et le Hamas, l’histoire se répète assez souvent. Cette fois, c’est le kidnapping et le meurtre de trois Israéliens qui va mettre le feu aux poudres. Après la vengeance d’extrémistes juifs sur un adolescent palestinien et la capture de près de 400 hommes miliciens du Hamas, ce dernier intensifie ses tirs de roquettes sur l’État hébreu.

Devant l’inefficacité des ripostes aériennes et la menace des tunnels palestiniens creusés entre Israël et Gaza, Tsahal déclenche alors l’opération « Bordure protectrice » le 8 juillet. Il faudra attendre le 26 août et 2219 morts (dont 78% de civils palestiniens) et plus de 11 000 blessés pour qu’un accord de cessez-le-feu soit trouvé, alors que la pression internationale se faisait de plus en plus intense.

En bleu, les soutiens d'Israël / En rouge, ceux qui condamnent Israël / En vert, ceux qui condamnent les deux pays / En jaune... Le style mitigé de F.Hollande.
En bleu, les soutiens d’Israël / En rouge, ceux qui condamnent Israël / En vert, ceux qui condamnent les deux pays / En jaune… F.Hollande, comme souvent le cul entre deux chaises / CC Reda Benkhadra

Le cas d’Israël est toujours délicat à traiter. Le pays n’a que des ennemis chez ses voisins, comme l’indique le tableau de Slate. Pour exister, Israël doit souvent prendre des mesures radicales et ne peut tolérer d’être bombardé depuis Gaza par des milliers de roquettes, souvent tirées des zones d’habitation.

Mais on peut aussi dire que la façon dont les choses sont gérées n’aide pas vraiment… En tuant de très nombreux enfants dans les affrontements, parfois loin des zones utilisées par le Hamas, l’armée israélienne a dépassé une grosse, grosse ligne rouge, inadmissible pour une telle nation.

 

Sans compter les destructions multiples, l’embargo qui empêche la reconstruction du territoire palestinien depuis trop longtemps ou encore les restrictions concernant les zones maritimes, qui privent les habitants de Gaza de nombreuses ressources, dont d’importantes réserves de gaz.

De quoi entretenir les antagonismes entre les deux camps et préparer les affrontements futurs. Heureusement, ces points seront à nouveau discutés fin septembre, quand le cessez-le-feu devrait se transformer en fin définitive de l’opération. D’ici là, croisons les doigts.

L’info bonus : la Libye, ce n’est pas le Moyen-Orient mais ça chauffe tout autant. En début de semaine, le gouvernement et le nouveau parlement élu en juin déclarent avoir totalement perdu le contrôle de la capitale Tripoli qu’ils avait été obligés de quitter en août sous la pression des milices islamistes.

Ces dernières, qui ont participé à la chute de Kadhafi en 2011, dénoncent un parlement jugé illégitime. Les élections n’ont rassemblé qu’entre 10 et 30% des électeurs. Elles ont recréé à Tripoli le parlement qui leur était favorable avant juin.

La Libye est donc privée depuis cet été de pouvoir central et son territoire morcelé entre les différentes milices, des rebelles de l’armée ou encore des tribus en quête d’autonomie. Une situation proche de celle que connait depuis une dizaine d’années la Somalie.

Sarkozy, mis en examen au début de l’été pour des soupçons de magouilles dans l’affaire Bettencourt pourrait aussi s’expliquer sur la gestion de l’après-Kadhafi.

Qui pour lui serrer la main aujourd'hui ?
Qui pour lui serrer la main aujourd’hui ?

La Russie : alerte à la testostérone pour les proches de Poutine

Il faut l’avouer, cet été, Vladimir Poutine a eu des couilles grosses comme la Sibérie. Non content d’avoir récupéré la Crimée au printemps, il cherche par tous les moyens à grignoter l’Est de l’Ukraine, ou au pire créer un nouvel État vassal. Ce ne serait pas une première.

Et plus personne n’est dupe : les rebelles pro-russes sont évidemment armés par la Russie, quand ils ne sont pas tout simplement des soldats russes sans uniforme. D’ailleurs depuis plusieurs semaines et le fameux convoi humanitaire, des blindés russes passent la frontière. Sans doute par erreur.

Quand l’armée ukrainienne reprend du terrain, il suffit aux Russes de la bombarder et d’envoyer des chars pour la repousser. Ainsi, le statu quo est maintenu, en attendant sans doute un règlement diplomatique. Etant donné que les Européens et les Américains sont plutôt tièdes à l’idée d’intervenir, même si cette possibilité n’est pas écartée, Poutine a toutes les chances de réussir son coup.

De quoi satisfaire les nombreux Russes venus habiter de gré ou de force dans la région du temps de l’URSS. Mais si la situation perdure, les oligarques russes risquent de se lasser des embargos qui pèsent sur leurs business.  On verra alors à quel point Poutine, l’ancien du KGB, tient les rênes du pays.

Poutine risque sa place au G8
Poutine risque sa place au G8. Je me demande pourquoi le dessinateur a donné cet air tout triste à notre François ? CC /  DonkeyHonkey

Bon il y a quelques ratés, comme les milliers de morts liés aux combats, ou les 298 victimes du crash de l’avion de la Malaysian Airlines. Mais finalement les informations sont tellement opaques sur le sujet que les médias préfèrent largement s’en détourner.

L’info bonus : le crash du 17 juillet au-dessus de l’Ukraine marque le début d’une série de trois accidents en une semaine. À Taïwan puis au Mali, plus de 150 personnes, dont de nombreux Français, ont trouvé la mort. Avec la disparition dans l’Océan Indien d’un autre avion de la Malaysian et de ses 239 passagers au printemps, 2014 sera l’une des pires années pour le transport aérien.

Ebola : l’urgence mondiale qui peut attendre

Le monde est en train de « perdre la bataille » contre la « pire épidémie Ebola de l’histoire » a été obligé de rappeler hier Médecins sans frontières. Alors qu’une action internationale coordonnée est réclamée depuis le 8 août par l’OMS, l’ONG dénonce aujourd’hui une « coalition mondiale de l’inaction ».

C'est pas la joie. CC / Leopoldo Martin R
C’est pas la joie. CC / Leopoldo Martin R

Face à l’épidémie de fièvre hémorragique qui sévit actuellement en Afrique de l’Ouest et qui a déjà fait près de 1550 morts sur plus de 3000 cas recensés, les ONG et les autorités locales sont dépassées.

Au Sierra Leone, principal foyer d’infection avec la Libéria et la Guinée, les médecins n’ont pas assez de moyens pour traiter tous les malades et nombreux sont ceux qui, rejetés des hôpitaux, meurent dans la rue. Les risques d’une propagation n’ont jamais été aussi élevés. Selon MSF, il faudra plusieurs mois et près d’un demi-milliard de dollars pour maîtriser la maladie qui pourrait encore contaminer 20 000 personnes. Le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique, vient en effet d’être touché.

La psychose s’empare peu à peu des populations exposées, qui n’hésitent pas à prendre en chasse les malades rejetés ou échappés des centres de soins.

 

La situation est d’autant plus dramatique que le signalement de l’épidémie date de mars dernier, alors que cette dernière a vraisemblablement débuté fin 2013 ! Mis à part les ONG et l’OMS, la communauté internationale n’a toujours rien fait de significatif, bien que de nombreux pays (États-Unis, Royaume-Uni et Russie) déclarent avoir trouvé un vaccin. Ça fait dix ans qu’on en parle ! Or rien ne prouve que ces vaccins soient efficaces, car jamais testés à grande échelle sur l’homme.

Les Japonais sont sans doute les plus brillants avec le développement d’un test de dépistage ultra-rapide qui devrait grandement aider les équipes sur le terrain. C’est en effet le principal problème de ces équipes qui doivent attendre l’apparition des symptômes les plus évidents pour diagnostiquer la maladie, tandis que les tests sanguins sont longs à réaliser.

L’info bonus : cet été, une autre souche d’Ebola, différente de celle qui fait rage en Afrique de l’Ouest, a fait une trentaine de victime au Zaïre, là où la maladie avait été découverte en 1976. Cette fois, les autorités locales et internationales feront preuve de plus de vigilance.

Cet été, on vous a également parlé de…

Valls II : le gouvernement n’aime plus le rose

Cinq mois après la constitution du « gouvernement de combat », Manuel Valls a été forcé d’en présenter la démission suite aux nouveaux propos frondeurs d’Arnaud Montebourg.

Ce gouvernement Valls II marque un véritable tournant et pose quelques questions : peut-on gouverner en étant aussi loin de ses promesses électorales ? Macron, l’ancien banquier (millionnaire, ce qui prouve qu’il est quand même doué), ministre d’un Hollande ennemi de la finance, c’est possible ? On a l’habitude des mensonges en politique, mais là, on touche le Guiness Book et ça donne un exécutif acclamé par les patrons du Medef et hué par les militants lors des universités d’été du PS.

Et les patrons sont tellement contents qu’au deuxième trimestre, les entreprises françaises cotées en bourse sont les championnes des dividendes distribués aux actionnaires avec une hausse de 30% en valeur ! Pourtant, notre économie est encore très loin de la reprise.

Coupe du monde : changement de règne 

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Les gars, ça sert plus à rien de se la jouer

On a prié pour l’éviter, mais il faut reconnaître qu’on s’est tapé une belle finale de merde. À part pour le but magnifique de Götze, Kramer doit bien être content de n’avoir aucun souvenir du match tellement on a frôlé les sommets de l’ennui. Il était difficile de reconnaître une équipe d’Allemagne qui venait d’atomiser le Brésil en demi.

Plus que tout, c’est bien de ce 1-7 que tout le monde se souviendra pendant longtemps tellement il a révolutionné le foot mondial : qui est la nation reine du football maintenant ? Les Brésiliens n’ont plus qu’une étoile pour faire la différence, mais le reste des chiffres est en faveur de nos voisins.

Côté Français, on a plus brillé cet été lors du Tour de France, des Championnats d’Europe d’athlétisme et de natation ou les Mondiaux de judo.

 

Bien sûr, ce n’est pas un tour exhaustif de l’actualité et si d’autres infos vous ont marqué, n’hésitez pas à partager en commentaire !

Dans ce monde, dès qu’il y a une initiative publique innovante et cool visant à améliorer la société, cela vient très souvent des pays scandinaves. L’histoire d’aujourd’hui ne fait pas exception puisque c’est la mairie d’Helsinki en Finlande qui lance un très vaste projet de transport en commun qui vise une efficacité telle que lâcher sa voiture deviendrait une décision évidente pour les habitants.

Euh Norvège, Suède, Finlande ? Petit rappel géographique 

Petit rappel géographique au passage
Un moyen mnémotechnique pour ne plus jamais vous tromper : « Nous Sommes Français » = Norvège-Suède-Finlande ou avec les capitales en plus : « Nous Oublierons le Superbe Sourire de François Hollande »

 

Une unique application pour tout

L’idée de la mairie d’Helsinki est géniale, créer une application pour smartphone de mobilité à la demande qui coordonne et combine tous les services de transport public de la ville en fonction des conditions climatiques, du prix, des embouteillages et de la destination.

Prenons un exemple pour bien comprendre, imaginons que vous vouliez vous déplacer dans la belle capitale finlandaise, vous lancez votre application et inscrivez votre destination.

Alors il vous est proposé toutes les options possibles :

  • Il y a une station de métro/bus à 5 minutes, voici comment y aller, le prochain métro/bus est à xx heures et il faut changer à telle station (bon ok, ça, même la RATP sait le faire )
  • Il y a une station vélib si vous désirez pédaler. Notons que cette option n’est proposée que si les conditions climatiques le permettent (ce qui doit certes, arriver souvent dans un pays où l’école n’est même pas annulée lorsqu’il fait – 20°C)
  • Il vous est également proposé d’appeler un taxi qui vous récupérera Uber Style, grâce à votre position GPS.
  • Dans le même esprit, Helsinki met à disposition des taxis-bus, c’est à dire un bus qui récupère les passagers à la demande (à condition que cela ne s’éloigne pas trop de son trajet principal) pour vous emmener où vous voulez (et ce pour le quart du prix d’un taxi )
  • Vous pouvez emprunter une voiture uniquement pour le voyage, l’application vous dira alors où récupérer la voiture, où la garer ainsi que le prix du parking (bref, une sorte d’autolib)
  • Si vous désirez aller un peu plus loin, l’application prend également en compte les trains intercités ainsi que les ferrys (oui parce qu’il y a vraiment beaucoup de lacs et d’îles en Finlande)

Evidemment toutes ces options vous sont proposées en fonction du trafic et en cas de journée de forte affluence, l’application vous encouragera à prendre le métro afin de soulager les embouteillages (ce qui devrait aussi vous faire gagner du temps ).

Payer son métro comme sa 4G

C’est la seconde innovation, car en plus de vous permettre de choisir votre moyen de transport, le paiement de tous les services se réalise sur l’appli. Dites adieu à votre abonnement au métro, à l’achat d’un billet de train ou aux bornes de vélibs.

Encore mieux, la municipalité s’est inspirée des forfaits de téléphone pour gérer le paiement. Les finlandais pourront donc choisir entre différents forfaits de déplacement en fonction des kilomètres parcourus, on pourra par exemple imaginer un forfait métro/vélo illimité + 50 Km en taxi par mois.

La fin de la voiture ?

Le projet va être lancé en test dès la fin de l’année et l’objectif d’Helsinki est de développer un système si pratique et si bon marché que la possession d’une voiture deviendrait inutile et chère. On pourra justement rétorquer que la voiture n’est pas qu’un simple moyen de transport et est également associée à un style de vie.

Eh bien apparemment pas tant que ça en Finlande où l’écologie est une préoccupation nationale. En effet, les jeunes finlandais ne semblent pas vraiment sensibles au statut qui accompagne la possession d’une voiture. Pour simplifier grossièrement, le jeune Finlandais moyen semble trouver plus cool de participer à la protection de la planète plutôt que de pavaner dans une grosse cylindrée polluante.

Et ça, c’est beau.

 

Source : Helsinki Times

Alors que la situation est toujours aussi chaotique en Irak, l’Etat islamique (ex-EIIL) étend son emprise sur le nord du pays et va devenir de plus en plus difficile à déloger. Les djihadistes, en cas de revers, ont en effet la possibilité de ravager en quelques heures Bagdad et ses environs.

Pas besoin de puiser dans l’énorme arsenal militaire récupéré au fil de leur conquête : l’arme fatale des islamistes, c’est l’eau.

Ils contrôlent en effet les principaux barrages irakiens, à Mossoul sur le Tigre et à Haditha sur l’Euphrate, tous les deux en amont de Bagdad. Selon les experts, la rupture du barrage de Mossoul pourrait submerger totalement la ville en quelques heures, tandis qu’un mur d’eau de près de 5 mètres s’abattrait sur Bagdad et que 250 kilomètres carrés seraient inondés autour de la capitale. Du côté d’Haditha, les conséquences seraient également extrêmes alors que le barrage retient les eaux du lac artificiel Qadisiyah et est la principale source d’électricité de Bagdad.

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Ce scénario catastrophe peut sembler irréaliste. Pourtant, les djihadistes n’en seraient pas à leur premier essai. En avril dernier, alors qu’ils contrôlaient le barrage de Falloujah, à une centaine de kilomètres de Bagdad, ils n’ont pas hésité à couper l’approvisionnement en eau vers l’aval et le sud chiite de l’Irak, provoquant une grave sécheresse. Ils l’ont ensuite ouvert totalement, inondant les terres jusqu’à la fameuse prison d’Abou Ghraib, aux portes de Bagdad.

Pire, la rupture des barrages pourrait advenir sans l’action de l’Etat islamique selon l’armée américaine, qui pointe du doigt l’arrêt de la maintenance sur des ouvrages déjà vétustes et usés par le climat de guerre qui pèse sur la région depuis la 1ère guerre du golfe en 1991.

Mais les djihadistes ont déjà prouvé par le passé qu’ils étaient capables de maintenir en état les infrastructures indispensables à l’émergence de leur califat, à l’image des champs pétroliers d’où ils tirent leurs ressources. Ils ont ainsi passé un accord avec les responsables du barrage de Tabqa sur le lac Assad en Syrie pour qu’ils alimentent toujours la zone en électricité.

Crédit Photo : NYT & James McCauley

PS : Ceux qui voudront en apprendre plus sur la situation  en Irak pourront consulter cet excellent reportage animé du New York Times, qui suit justement la progression des djihadistes sur l’Euphrate et le Tigre.

Les cursus universitaires outre-Atlantique sortent parfois des sentiers battus tracés ici par l’enseignement supérieur français. Certains cours sont ainsi consacrés aux Seigneurs des Anneaux, d’autres à Miley Cirus.

Des bourses pour les joueurs de League of Legends

Récemment, ce sont les jeux vidéo et la marijuana qui ont été mis à l’honneur. L’Université Robert Morris, dans l’Illinois, a ainsi prévu d‘intégrer les sports électroniques dans son programme athlétique, à l’image du football US ou du basket. Ce dispositif concerne particulièrement les joueurs de League of Legends, l’un des jeux vidéo le plus populaire au monde, qui pourront toucher jusqu’à 15 000 euros de bourse. 400 étudiants ont déjà postulé pour décrocher l’une des 19 places proposées par l’établissement qui permettent de participer au championnat universitaire.

Avoir une bourse pour jouer aux jeux vidéo, ça semble gros. Mais l’implication et la maîtrise demandées par League of Legends rapprochent ce jeu d’un véritable sport. Et les salaires suivent : un joueur professionnel peut toucher jusqu’à 10 000 euros par mois, grâce aux prix remportés et au sponsoring. Les Etats-Unis accordent d’ailleurs des visas à ces joueurs pro en tant qu’athlètes de haut-niveau.

L’ouverture d’une école dédiée au cannabis

Aux antipodes des considérations sportives, d’autres formations apparaissent en réaction à l’actualité : cette année, le Colorado et l’état de Washington ont légalisé l’usage récréatif du cannabis. Alors que les usages médicinaux avaient déjà permis l’émergence d’une industrie prometteuse, ces décisions ont considérablement boosté le développement de ce marché qui pourrait peser 10 milliards de dollars en 2018.

Le Massachusetts, où l’usage médicinal est légal, s’apprête ainsi à inaugurer à la prochaine rentrée The North Eastern Institue of Cannabis, une école entièrement dédiée au thème de la majiruana. Les étudiants pourront se former les soirs ou les weekends sur l’histoire du cannabis, les techniques pour le cultiver, les lois relatives ou encore les usages thérapeutiques. Les cours proposés ne s’éloigneront évidemment pas du champ théorique pour celui de la pratique : il n’y aura pas d’herbe sur le campus, et les étudiants n’auront pas à la manipuler en cours…

Crédit Photo : Roger

Alors que l’Etat islamique (ex-EIIL) vient de s’autoproclamer califat et que la situation en Irak est plus que jamais incertaine, certains acteurs du conflit pourraient récupérer cette crise à leur profit.

On peut par exemple penser à l’Iran, jusque-là au ban de la communauté internationale et qui semble aujourd’hui l’une des rares forces capables de s’opposer à l’avancée des djihadistes. Mais c’est surtout Bachar el-Assad qui a une carte à jouer. Allié de la République islamiste iranienne, le régime syrien alaouite a multiplié les frappes aériennes contre les forces de l’EIIL dans l’ouest de l’Irak.

L’implication des loyalistes syriens ajoute un nouveau degré de complexité dans ce conflit. On imagine facilement une réaction commune des forces de l’arc chiite qui passe par Téhéran, Bagdad et Damas, face aux djihadistes sunnites. Mais bien que le Premier ministre irakien al-Maliki a salué ces frappes, qui soulagent les forces gouvernementales en déroute, Bachar el-Assad ne devrait pas être en mesure de contrer l’avancée de l’EIIL en Irak alors que ses troupes sont incapables de reprendre le dessus en Syrie.

Gagner le soutien des Occidentaux

Là où la crise actuelle sert les intérêts du dictateur syrien, c’est qu’elle légitime plus ou moins l’argumentaire qu’il a déployé depuis plus de trois ans et le début de cette guerre civile :  lui et ses partisans se battent contre des terroristes et ce qui est présenté en Occident comme une révolte légitime face à un régime autoritaire n’est qu’une offensive djihadiste. Bien qu’il reconnaisse l’aspect dictatorial de son pouvoir, il est le seul capable de maintenir l’ordre en Syrie et de protéger les minorités chiites et chrétiennes.

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Il en faudra cependant plus pour convaincre la communauté internationale, à commencer par les Etats-Unis qui ont condamné toute intervention syrienne en Irak et viennent de débloquer une enveloppe de 600 millions de dollars pour les rebelles syriens modérés, qui combattent eux aussi les forces de l’Etat islamique. Mais Washington est dans une position délicate : soutenir ainsi la rébellion affaiblirait le régime de Bachar mais renforcerait l’EIIL. Au contraire, la recherche de soutiens face au péril djihadiste pourrait alléger la pression internationale qui pèse sur Damas mais reviendrait à abandonner l’opposition syrienne.

La solution réside plus que jamais dans un cessez-le-feu entre loyalistes et rebelles modérés qui permettrait à tous de se concentrer dans la lutte contre les djihadistes. Bachar el-Assad aurait tout intérêt à un tel accord et semble prêt  à négocier. Il a déjà cédé par le passé, en autorisant par exemple les Nations-Unies à neutraliser son stock d’armes chimiques, une mission couronnée de succès qui vient de s’achever cette semaine. Reste à savoir si l’opposition sera dans les mêmes dispositions. Les 162 000 victimes de la guerre civile ne font pas pencher la balance en ce sens.

Crédit Photo : thierry ehrmann & @deSyracuse

Ce dimanche, l’organisation connue sous le nom d’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) a acté la création d’un califat, un régime disparu depuis près d’un siècle et la chute de l’Empire Ottoman. Un califat est un territoire sous l’autorité du calife, successeur de Mahomet et qui est ainsi la personnalité principale du monde musulman, tant sur le plan politique que spirituel.

Le calife est en effet le guide des croyants et c’est à ce titre que le chef de l’EIIL, Abou Bakr Al-Baghdadi, maintenant nommé « Calife Ibrahim », appelle l’ensemble des musulmans à lui prêter allégeance et le rejoindre pour mener le djihad et repousser les frontières de son califat jusqu’à Bagdad ou Damas.

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Cette déclaration est considérée par de nombreux experts comme l‘événement le plus important pour le djihadisme international depuis les attentats du 11 septembre puisqu’elle fonde, comme le fut l’Afghanistan à l’époque, un véritable « djihadistan » prêt à accueillir et former les candidats au terrorisme. Mais plus que cet aspect territorial et logistique, c’est le côté symbolique de cette déclaration qui change la donne puisque l’Etat islamique, comme il se fait maintenant appeler, est en concurrence directe avec Al-Qaïda pour le leadership du djihadisme international.

Et il est certain que le successeur de Ben Laden, Ayman al-Zawahiri, à qui Abou Bakr Al-Baghdadi avait auparavant juré allégeance, ne devrait pas tarder à réagir à l’affront. D’autant que ce n’est pas le premier : il y a quelques jours, le front Al-Nosra, représentant officiel d’Al-Qaïda en Syrie où il a déjà combattu l’EIIL, a retourné sa veste pour se soumettre à l’organisation d’Al-Baghdadi.

Reste à savoir qui de ses anciens ennemis occidentaux ou de ses nouveaux rivaux islamistes Al-Qaïda va frapper pour réaffirmer sa place

Crédit Photo : Raqqaa & GlobalPost

Depuis le 6 juin dernier et la prise de Mossoul, deuxième ville du pays, par les jihadistes de l’EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant),  l’Irak est au bord de l’implosion. Snackable dresse la liste des différentes forces en présence alors que le conflit, qui menace la stabilité du marché pétrolier, pourrait rapidement s’internationaliser.

Les Sunnites :

  • les tribus irakiennes : depuis la chute de Saddam, les tribus sunnites du nord-ouest de l’Irak, dont il était issu et qui étaient protégées par son régime, ont un comportement ambigu envers le nouveau pouvoir mis en place par les Occidentaux. Alliées des  forces US et de l’armée irakienne face aux jihadistes par l’intermédiaire des Sahwa, milices sunnites anti-jihad, leur situation s’est dégradée depuis le départ des américains en 2011, avant de prendre un tournant dramatique en décembre dernier. Des sunnites, opprimés par le gouvernement chiite, se sont révoltés en masse et ont pris la ville de Falloujah, proche de Bagdad, avec le soutien de l’EIIL, leur ancien ennemi.
  • l’EIIL : l’Etat islamique est né en Irak en 2006, à l’occasion de la fusion entre plusieurs groupes terroristes et des tribus sunnites. Battu dès la première année, le groupe s’est restructuré et a profité de la guerre civile syrienne en 2011 puis des excès du gouvernement chiite d’Al-Maliki en Irak pour se relancer en « jihadisant » les populations sunnites. L’entité s’est progressivement détachée d’Al-Qaïda pour prôner un jihad anti-chiite et la domination de l’ensemble du monde musulman. Brouillé avec l’armée syrienne libre et le Front Al Nosra (Al-Qaïda) en Syrie, l’EIIL s’est tourné en début d’année vers l’Irak, se renforçant en attaquant des prisons, en pillant les ressources des territoires occupés soumis à la charia et en s’accaparant le matériel abandonné par l’armée irakienne qui comprend des tanks et des hélicoptères de combat. De nombreux militaires irakiens ont également désertés pour rejoindre leurs rangs et retrouver les cadres de l’ancienne armée de Saddam. L’EIIL compte aujourd’hui près de 10 000 combattants en Irak.

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Les Chiites :

  • l’Etat irakien : les chiites sont majoritaires en Irak, où ils représentent entre 65 et 70% de la population. Opprimée par le régime baasiste de Saddam, la majorité chiite revient aux pouvoir lors de sa chute et la mise en place de la démocratie. Ce retour au pouvoir est suivi d’une exclusion progressive des sunnites des postes administratifs, militaires ou politiques. Contre l’avis de nombreux parlementaires chiites, le Premier ministre Al-Maliki réprima par la force des manifestations demandant plus d’égalité à l’approche des élections législatives, arrêta le député sunnite Ahmad al-Alwani et tua son frère. De quoi faire basculer une large partie des sunnites dans le camps des jihadistes. Aujourd’hui le gouvernement irakien est dans une situation d’urgence alors qu’aucune majorité ne s’est détachée lors des élections et que l’armée est en déroute face à l’EIIL.
  • l’Iran : la République islamique d’Iran, pour qui l’avènement d’un « jihadistan » sunnite à ses frontières serait une menace mortelle, surveille avec attention les événements irakiens. Le régime chiite a déjà mobilisé les pasdarans, les troupes d’élite de la Garde républicaine, ainsi que ses milices de volontaires pour aller défendre les lieux saints présents en Irak et veiller au maintien du gouvernement d’Al-Maliki. L’Iran a en effet besoin d’une Irak pacifiée pour continuer à soutenir le président alaouite chiite Bachar el-Assad dans la guerre civile syrienne. De plus Téhéran, qui avait amorcé des discussions autour de son programme nucléaire avec les Occidentaux, pourrait en résolvant la crise irakienne faire un pas de plus vers sa réintégration dans la communauté internationale.

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Les Kurdes : opprimés par Saddam, les Kurdes ont obtenu via la constitution irakienne de 2005 l’autonomie de leur province. L’armée du Kurdistan irakien, la Peshmerga, équipée en armement moderne par les Etats-Unis apparaît aujourd’hui comme la principale force capable de s’opposer à l’avancée de l’EIIL en Irak. Pourtant les deux camps sont restés relativement neutres depuis l’offensive des jihadistes sur Mossoul : la Peshmerga s’est déployée dans les régions délaissées par l’armée irakienne afin de protéger les populations kurdes locales. Elle a ainsi mis la main sur Kirkouk, berceau historique du peuple kurde et entend profiter au maximum de la nouvelle situation. Son aide dans la résolution du conflit devrait se monnayer à prix d’or et conduire à encore plus d’autonomie, si ce n’est l’indépendance, pour les 7 millions de Kurdes vivant en Irak.

Les Occidentaux : les pays occidentaux payent maintenant leur attentisme face à la situation syrienne. L’offensive de l’EIIL, qui vise notamment les principaux sites pétroliers irakiens, risque de déstabiliser l’économie mondiale. Bagdad a demandé officiellement de l’aide aux USA. Si le déploiement de troupes au sol est exclu par Washington, des frappes aériennes censées contenir l’avancée des jihadistes pourraient être ordonnées. Mais la Maison Blanche n’a pour l’instant donné aucun signe d’une quelconque intervention alors que la situation fait l’objet d’une reprise politique du camps républicain qui fustige le départ des troupes US en Irak ordonné par Obama. Les Américains envisagent même de possibles coopérations avec les Kurdes ou avec l’Iran, ces deux entités ayant beaucoup à y gagner. Mais Israël ne peut qu’être inquiet de l’émergence d’une alliance, même provisoire, entre Washington et Téhéran, alors que le régime iranien finance le Hezbollah, ennemi juré d’Israël au Liban.

Crédit Photo : Trey Ratcliff & Getty image