Le référendum relatif à l’indépendance de l’Écosse vis-à-vis du Royaume-Uni sera, en cas de victoire du Yes, un événement historique majeur : la renaissance d’une nation millénaire et la fin d’un empire.

Le Yes est cependant encore loin de l’avoir emporté. Les premiers sondages qui le donne vainqueur ne datent que de la semaine dernière. Ils témoignent de la force du mouvement qui a réussi à enthousiasmer les Écossais encore indécis, alors que les partisans du non n’ont axé leur campagne que sur des craintes alarmistes pour l’avenir.

Pourtant, l’exemple du Québec, qui avait voté pour l’indépendance en 1995, est significatif : malgré la victoire indépendantiste dans les sondages, le non l’avait emporté de justesse. En Écosse, les trois derniers sondages donnent ainsi le No vainqueur avec 52% des suffrages.

Mais dans tous les cas, les Écossais seront plus autonomes. Devant le risque de cession, les principaux chefs politiques britanniques se sont alliés autour de David Cameron pour leur demander de rester au sein du Royaume-Uni, quitte à bénéficier d’une plus grande liberté politique. Même Barack Obama s’est montré en faveur du No.

Car le départ de l’Écosse serait un vrai coup dur pour le Royaume-Uni, sans parler des éventuelles répercussions à l’échelle de l’Europe et du monde.

Le Royaume-Uni, une puissance en déclin

Cela fait 307 ans que l’Angleterre et l’Écosse sont unies sous les couleurs de l’Union Jack. En plus de la perte du fond bleu de leur drapeau, une cession toucherait directement l’identité des Britanniques : celle de l’Irlande au lendemain de la Première guerre mondiale annonçait la dislocation de l’Empire et la perte définitive de son influence sur le Canada, l’Australie et finalement l’Inde. Difficile pour une nation qui dominait le monde il y a encore un siècle de voir son territoire, amputé de l’Écosse, se réduire à un tiers de la France métropolitaine !

Mais les préoccupations des Britanniques sont bien plus concrètes. Du point de vue économique, l’indépendance priverait le Royaume-Uni de 96% de ses réserves pétrolières et de 52% de ses réserves gazières, qui se trouvent au large de l’Écosse. Soit un manque à gagner évalué entre 22 et 48 milliards d’euros sur les cinq prochaines années, selon les prévisions de Londres et celles, beaucoup plus optimistes, des indépendantistes.

Le secteur de l’énergie n’est pas le seul impacté : le Royaume-Uni pourrait perdre 12% de ses revenus touristiques, tandis que le secteur agroalimentaire serait également touché. Pire, les Britanniques se priveraient de 90 distilleries de Scotch ! Au total, l’indépendance de l’Écosse enlèverait au Royaume-Uni 9,2% de son PIB.

Une rivalité ancestrale
Une rivalité ancestrale

Vers la sortie de l’UE ?

Seul point positif, le Royaume-Uni économiserait 15 milliards d’euros par an en se débarrassant du système de santé écossais. Les répercussions en matière de démographie ont toutefois une importance capitale : les 5 millions d’Écossais, s’ils ont l’un des pires niveaux de santé d’Europe, comptent parmi les populations les plus instruites du continent. 52,8 % d’entre eux ont fait des études supérieures, contre une moyenne de 46,6% pour le reste du Royaume-Uni.

Par ailleurs, les Écossais sont traditionnellement de gauche. La perte de cet électorat, déterminant dans l’alternance des pouvoirs, va totalement redistribuer les cartes en Angleterre. La gauche risque de perdre une quarantaine de députés (sur un total actuel de 258), contre seulement un pour la droite, majoritaire avec 361 députés. Ce revirement à droite va grandement favoriser l’UKIP, le parti nationaliste britannique qui milite pour une sortie de l’Union Européenne…

Si le référendum a d’importantes répercussions, notamment en Espagne auprès des indépendantistes catalans, il pourrait également priver dans quelques années l’UE de l’une de ses capitales économiques.

Quelle place au niveau mondial ?

L’indépendance pourrait enfin menacer la puissance nucléaire britannique, alors que les quatre sous-marins de son dispositif de dissuasion sont basés à l’ouest de l’Écosse.

En cas d’indépendance, les Écossais ont annoncé qu’ils refuseraient de conserver cet arsenal. Le coût d’un démantèlement et d’un déplacement en Angleterre s’élèverait à 10 milliards d’euros, soit le quart du budget annuel de l’armée. Et la reconstruction d’une base et d’infrastructures devraient gonfler l’addition. De quoi tenter Londres de laisser tomber son statut de puissance nucléaire, ou du moins d’ouvrir le débat.

Le Royaume-Uni a été la troisième puissance à se doter de l’arme nucléaire après les États-Unis et la Russie, alors que débutait la guerre froide. Mais les temps ont changé, d’autant que la flotte britannique est vieillissante. Son renouvellement, qui devrait être débattu en 2016, prévoit déjà de ne remplacer que trois des quatre sous-marins. Cela pour 22,7 milliards d’euros !

Mais comme le souligne Alan West, l’ancien chef de la marine britannique entre 2002 et 2006 : « Les Américains apprécient que nous soyons une puissance nucléaire. Cela poserait des problèmes avec eux. Au sein de l’OTAN, cela provoquerait une inquiétude. Peut-on vraiment rester un membre permanent du conseil de sécurité ? Je ne sais pas. »

L’administration de Barack Obama s’inquiète en effet de l’affaiblissement de l’un des ses principaux alliés, alors que la situation au Moyen-Orient est de plus en plus critique et que les tensions sont toujours vives avec la Russie, un autre membre du conseil de sécurité permanent de l’ONU.

La remise en question de la puissance nucléaire britannique pourrait d’ailleurs être utilisée par les pays onusiens qui militent contre le pouvoir des membres du conseil et aimeraient avoir plus de poids dans les décisions de l’instance internationale.

Mais Londres a encore des atouts dans sa main

Tout cela dépend évidemment des résultats du référendum. Personnellement, je pense que le non va l’emporter : en 1995 au Québec, des études ont révélé que la crainte de l’inconnu avait pesé plus que prévu au moment du vote.

Par ailleurs, même en cas de vote positif, le gouvernement britannique dispose encore de cartes à jouer. Si le Yes gagne, une période de deux ans doit encore mener l’Écosse vers l’indépendance. Elle sera utilisée pour négocier de nombreux points. Si les indépendantistes peuvent s’appuyer sur la répartition des ressources de la Mer du Nord ou sur la présence de l’arsenal nucléaire anglais, le Royaume-Uni dispose d’un pouvoir très important sur la question monétaire. Les Écossais veulent conserver la livre sterling puisque le pays fait l’essentiel de ses échanges commerciaux avec le Royaume-Uni mais aussi car il bénéficie de la protection de la Banque d’Angleterre. L’adoption de l’euro ne serait pas bénéfique alors que l’Écosse devrait respecter les contraintes budgétaires de Maastricht. Or les indépendantistes veulent au contraire être libres de mener leur propre politique budgétaire, choisir leur taux d’imposition, dépenser selon leur souhait…

Même en cas de victoire du Yes, le Royaume-Uni aura de sérieux atouts à faire valoir.

Crédits photos : Captures du film Braveheart 

 

Journaliste, diplômé en économie et en histoire, j'ai fait mes classes au service sport du quotidien La Marseillaise avant de tomber dans le Web et l'actualité du numérique. Avec Snackable, je vais essayer de vous faire partager ce qui me passionne ou m'interpelle.

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