Monde

L’Etat islamique en Irak et au Levant, actuellement en guerre contre les gouvernements irakiens et syriens, se distingue des autres organisations terroristes par un sens aigu et morbide de la communication.

Comme le ferait n’importe qu’elle entreprise cotée en bourse, l’EIIL publie chaque année un rapport des ses activités : dans la dernière édition dévoilée en mars 2014, on y apprend en 400 pages que l’organisation jihadiste a réalisé près de 10 000 opérations militaires en Irak depuis fin-2012, dont 1083 assassinats et 4465 attentats.  Une façon d’impressionner tant ses adversaires que ses soutiens financiers remarque l’analyste Alex Bilger pour le Figaro.

Mais la stratégie de communication de l’EIIL ne s’arrête pas là. L’organisation a tout compris du fonctionnement des réseaux sociaux et en a fait une arme de propagande et de terreur. Les prises de Mossoul et Tikrit ont été relayées en direct sur Facebook ou Twitter, ainsi que les exécutions de masses de civils ou de militaires chiites. Sur les 4500 prisonniers, 1700 auraient été exécutés selon leurs tortionnaires sunnites. C’est la première fois qu’un crime contre l’humanité est ainsi perpétré et documenté en direct par ses auteurs.

article-iraq10-0613

 

Le matériel récupéré après la déroute de l’armée régulière irakienne est également à l’honneur, comme sur cette photo d’un des chefs de l’EIIL en train d’essayer un véhicule blindé.

Comble de l’horreur, les « community managers » de l’EIIL sont allés jusqu’à profiter de l’audience de la Coupe du monde brésilienne pour diffuser en masse les exactions : en fin de semaine dernière, lors de l’ouverture de la compétition, ils ont posté la photo de la tête décapité d’un fonctionnaire capturé avec la mention  » Ceci est notre balle… elle est en peau » assortie du hashtag #WorldCup.

Après la chute de Mossoul la semaine dernière, la situation est toujours aussi critique en Irak où les jihadistes de l’Etat Islamique en Irak et au Levant sont aux portes de Bagdad. La fin de l’Irak pourrait avoir des conséquences dramatiques pour l’ensemble du Moyen-Orient. Voici le pire scénario :

L’effondrement du gouvernement irakien

Péniblement mis en place par les Occidentaux après la chute de Saddam Hussein, le nouvel état irakien pourrait imploser sous la pression de l’offensive des jihadistes sunnites. Le pays est à l’image de Bagdad, divisé entre la majorité chiite et les minorités sunnites et kurdes.

Bagdad, mosaïque de quartiers de différentes origines où prolifèrent les armes, pourrait faire l’objet de violentes luttes communautaires qui entraîneraient la ville, les institutions et l’ensemble du pays dans le chaos. Des meurtres ont déjà été signalés par la  communauté sunnite qui pourrait ouvrir la ville aux combattants de l’EIIL.

peuple-irak

Les jihadistes prennent Bagdad, capitale d’un nouveau « jihadistan »

Après Mossoul, Tikrit ou Falloujah, Bagdad pourrait également tomber entre les mains des jihadistes. La prise de la capitale les renforcerait considérablement, comme à Mossoul, deuxième ville du pays, où ils ont mis la main sur le matériel neuf abandonné par l’armée irakienne en déroute.

L’EIIL serait ainsi maître de l’Ouest irakien et du Nord-Est syrien, se dotant d’une véritable entité géographique, riche en pétrole et administrée par la charia. Un paradis pour le terrorisme international, à l’image de ce qu’était l’Afghanistan sous les Talibans.

L’Irak est divisé en trois

Si Bagdad tombe aux mains de l’EIIL ou devient un champ de bataille communautaire, le pays sera divisé en trois régions hostiles :

  • l’Ouest sunnite, sous le contrôle de l’EIIL et qui pourrait donc se transformer en véritable « jihadistan« ,
  • les Kurdes au nord, dont la Peshmerga, l’armée de la province autonome du Kurdistan irakien, s’est déployée hors de ses frontières et a notamment pris possession de Kirkouk, une importante ville pétrolière et centre culturel kurde,
  • enfin la majorité chiite et les restes de l’armée et du gouvernement irakien au Sud.

Refugies_Kurdistan_CC_Flickr_Béatrice Dillies au Kurdistan

La dislocation de l’Irak entraîne un séisme économique, humanitaire et religieux

La fin de l’Irak aurait des répercussions internationales dramatiques. Alors que le pays se dispute la place de deuxième producteur mondial de pétrole avec l’Iran, l’arrêt de la production ou sa récupération par les jihadistes pourrait entraîner une hausse considérable des prix et impacterait l’ensemble des économies nationales.

Comme en Syrie, la guerre pourrait provoquer des exodes de populations massives dans un pays qui compte 36 millions d’habitants. L’ONU estime qu’un demi-million d’Irakiens a déjà quitté Mossoul, venant s’ajouter à l’autre demi-million qui avait fui l’avancée des jihadistes dans l’Ouest du pays.

Enfin, le Moyen-Orient est une poudrière religieuse entre l’Iran et l’Irak chiite et les Alaouites fidèles à Bachar el-Assad d’un côté et les pays sunnites comme l’Arabie Saoudite, le Qatar ou la Jordanie de l’autre. Les exactions religieuses pourraient entraîner un conflit bien plus grave alors qu’Iran et Arabie Saoudite, deux ennemis jurés, s’affrontaient déjà indirectement en Syrie.

Crédit Photo : Zoriah

La prise mardi dernier de Mossoul, deuxième ville d’Irak, par les combattants jihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), met en lumière la situation critique que connaît l’Irak à l’heure actuelle.

Depuis le retrait des forces occidentales en décembre 2011, le pays est profondément divisé entre la majorité chiite et les rebelles sunnites menés par les tribus locales, d’anciens militaires de Saddam Hussein et les mouvements proches d‘Al Qaida. Poursuivant leur percée vers le sud, les forces de l’EIIL sont maintenant à une centaine de kilomètres de Bagdad. En janvier dernier, il prenait déjà la ville de Falloujah, distante d’à peine 69 kilomètres de la capitale irakienne.

L’EIIL contrôle ainsi la partie sunnite de l’Irak qui, ajoutée au Nord-Est de la Syrie, est en passe de constituer le territoire d’un véritable émirat islamique, régi par la charia. Un territoire riche en pétrole, ressource dont la contrebande permet déjà de financer le mouvement. L’offensive vers le Sud et Bagdad a d’ailleurs permis à l’EIIL de mettre la main sur Baïji, la ville qui compte la plus grande raffinerie du pays.

Mais le pétrole n’est pas l’unique source de richesse de l’organisation qui compte également sur le pillage et les rançons des prises d’otages. En prenant Mossoul, l’EIIL est soupçonné d’avoir récupéré plusieurs centaines de millions de dollars dans les banques de la ville tandis qu’une quarantaine de personnes sont maintenues en otage dans les locaux du consulat turc.

Crédit Photo : ONU