MaJ du 21/03/17 : L’article original « Ce que Jacquie et Michel aimeraient bien vous cacher » a été modifié pour inclure les réactions de la direction de Jacquie & Michel.
Sexe, pouvoir et argent : en s’articulant autour de ces trois thématiques, le fait divers, avorton du journalisme, ne cesse de nous intéresser. Du coup, de nombreux journaux en font leur Une, au plus grand plaisir des utilisateurs des réseaux sociaux.
Mi-mars, c’est sur Twitter que je tombe sur la Une de Oise Hebdo. Le périodique, qui a déjà fait le buzz en 2011 grâce à ses premières pages tapageuses, tient une perle.
D’habitude, les gros titres annoncent le décès violent d’une célébrité locale ou le témoignage du dernier survivant d’un accident mortel. Cette fois, c’est l’image qui saute aux yeux : en plein milieu d’un parc, une femme à genoux est devant un homme, la main sur son entrejambe, le tout filmé en gros plan par un cameraman et sous le regard attentif d’un passant.
Une mise en page qui n’est pas de très bon goût, mais bon, comme le souligne @AlDeTerre : si pour Marine « on peut », et pour Manu « il faut », alors, ça passe. Mais soudain, j’ai comme un sentiment de déjà-vu…
« Merci qui ? »
Ni une, ni deux, je demande à Google si l’équipe de tournage a été identifiée. Aucun résultat de Google News n’est satisfaisant. C’est à peine si France Info ou quelques sites s’étonnent d’une Une aussi démonstrative, le premier allant jusqu’à demander des comptes au fondateur de Oise Hebdo. Il suffit pourtant de scroller un peu pour se rendre compte que Compiègne est un spot du X au grand air. En 2011 déjà, une vidéo mettait en scène « une professeur de maths » du lycée Pierre-d’Ailly. Même scénario en 2013, avec une « pionne » du lycée Mireille-Grenet, le deuxième établissement de la ville, qui était clairement filmé. De quoi attirer à l’époque l’attention des lycéens, puis des médias et créer le buzz avec un bon petit million de vues. Pas de quoi pour autant réjouir le producteur des vidéos, identifié alors comme le désormais célèbre site… Jacquie et Michel.
Thierry Bonnard, directeur de la communication de J&M, se défend en expliquant que les tournages ne sont pas de la responsabilité directe du site, mais de celle des producteurs qui vendent ensuite les vidéos « sans que l’on sache où, quand et comment ils tournent. »
Deux ans plus tard, je me demande s’ils n’ont pas remis le couvert. C’est une vidéo assez délirante tournée par le Parisien en 2013, au lycée Mireille-Grenet, qui me donne la réponse : passé les réactions mi-gênées, mi-amusées du personnel de l’établissement et l’élève qui indique « c’est là qu’elle l’a pépom » en montrant du doigt des buissons, on découvre le « réalisateur » de la vidéo qui s’explique.
Stupeur : « Bertrand » porte une veste Lonsdale noire, la même que porte l’homme en train de filmer sur les photos de Oise Hebdo. Cinq clichés, non-censurés, par lesquels l’hebdo dévoile, en pages intérieures, le « derrière » du tournage. C’est encore sur Twitter, en réponse au tweet originel, qu’elles sont dévoilées, ainsi que le texte décrivant l’événement. C’est en zoomant sur ce texte que mes soupçons sont confirmés. Selon Oise Hebdo, celui qui se faisait appeler Bertrand par Le Parisien, se nomme Olivier Lahcen. Ni lui, ni les deux acteurs n’ont pu s’empêcher de sourire quand le quatrième homme, en rouge et identifié comme « un voyeur », lance un tonitruant « Merci qui ? » à l’équipe de tournage au moment où le journaliste s’approche pour les interroger.
« Merci qui ? », un gimmick devenu un slogan censé amener la fameuse réponse : « Merci, Jacquie et Michel ! ». Pourtant, personne ne répond à l’invective et l’équipe nie tourner pour le site aux 9 millions de visiteurs uniques par mois.
Pourquoi autant de précautions ?
Avec une telle audience, le site s’impose comme le numéro 1 français en la matière et comme un véritable phénomène cul-turel. Son nom et son slogan se retrouvent partout, des stades de foot aux télés et radios (Le Grand Journal, Hanouna, Canteloup, Cauet), des titres de l’Equipe aux lancements des Guignols de l’info.
Même Norman se prête au jeu…
J’ai accepté un rôle dans une web série là, je sais pas trop ce que ça vaut ça s’appelle Jacquie et Michel, on verra bien !
Même Joey Starr reprend les codes de J&M – de son petit nom – pour faire la promo d’un album…
Et même François Hollande est confronté à J&M… La photo est trop moche pour la mettre ici mais on comprend mieux que le community manager de J&M se sente pousser des ailes. Aucune allusion ne lui échappe sur Twitter. Il te suffit d’avoir une petite notoriété tv ou web et quelques « k » de followers pour que ce dernier rebondisse sur le moindre de tes tweets parlant de près ou de loin de sexe.
Il y a tellement de matière qu’un site comme Melty pourrait créer une rubrique dédiée aux tweets du site porno. D’ailleurs, c’est quasiment le cas… Pour vous donner une idée, voici son poisson d’avril 2015. Classe : du J&M « tout craché ».
Alors, à Compiègne, qu’est-ce qui gêne tant J&M, d’habitude si enthousiaste ? Le site ne semble pas avoir grand-chose à craindre du personnel des lycées compiégnois ou des autorités locales, qui ont déposé plainte pour exhibition après l’épisode du parc. Comme le disait l’avocate Valérie Piau à Anaïs Chabalier de l’Express en 2013, « la justice ne propose pas énormément de solutions » et prouver une infraction peut s’avérer difficile. Quant aux amendes, le site qui réalise près de 10 millions d’euros de CA annuel peut voir venir.
Perso, j’attribuerai l’inhabituelle pudeur de J&M à une tentative de préserver la légende sur laquelle le site s’est bâti : les vidéos ne mettent en avant que des amateurs qui contactent le site et osent dévoiler leur ville et leur profession. De quoi laisser penser qu’avec un peu de chance, on pourrait bien croiser un jour cette personne aussi ouverte et décomplexée…
Sur Twitter, l’image de Une du compte J&M montre bien cette philosophie. Souvent, l’équipe annonce que c’est la fille qui a fait le premier pas en contactant le site. Cela pour faire une expérience ; franchir le pas après avoir souvent utilisé les services du site ; se venger d’un petit-ami ou encore car c’est son patron / frère / fils ! / ou sa tante… qui l’a inscrite. Bref, le site – à ce qu’on m’a dit bien sûr – mise sur le réalisme.
Là encore, le directeur de la communication de J&M m’a expliqué que jamais le site n’a revendiqué un quelconque réalisme dans ses vidéos
Mais les épisodes des lycées de Compiègne montrent qu’il y a quelques entorses à la règle : dans les deux cas, l’actrice était plus une professionnelle du X qu’une pionne ou une prof. « Bertrand » le reconnaît lui-même, dans le scénario, la dernière vidéo se déroulait à Paris et non à Compiègne.
Et ce n’est pas l’unique cas où J&M se fait gauler : la presse s’amuse souvent à relayer ces histoires de ville ou village à la recherche d’habitants fictifs ayant tourné une scène. L’exemple avec ce couple qui tient une boutique de souvenirs à Honfleur ou cette éleveuse de poulet Loué qui a défrayé la chronique l’an dernier, avant de reconnaître être une actrice.
Par pure conscience professionnelle, je suis allé vérifier : ces deux vidéos sont bien hébergées sur le site.
Localisation approximative et réalité scénarisée, une nécessité selon Thierry Bonnard, qui s’explique par le succès de J&M. D’obscur réseau libertin, le site est devenu un business florissant en jouant la carte de l’authenticité et de la proximité.
Une trentaine de sites, des goodies, des soirées en boîte et un « Netflix » du X
Le site aurait été créé en 1999 par un professeur des écoles libertin, le fameux Michel. « Aurait », car la « belle » histoire régulièrement mise en avant par les membres de l’équipe s’avère très difficile à vérifier. Par-ci, par-là, on peut lire que sa femme – Jacquie ? – et son fils travaillent désormais avec lui, au même titre que la dizaine de CDI et la cinquantaine de « pigistes » qui font tourner la boîte aujourd’hui.
Pour Philippe Azoury, qui a décrypté le phénomène J&M dans les colonnes des Inrocks l’été dernier, « personne ne les a jamais vus en photo, ni ne sait vraiment s’ils existent. (…). Peut-être sont-ils juste un nom de marque, une adresse IP, une idée rassurante que l’on se fait d’un couple coquin, toujours accueillant ». Jacquie et Michel, des quinquas un peu chelou mais finalement bien sympas, qui vous parrainent pour entrer dans un cercle intime et privilégié : la communauté libertine online, « les internautes de J&M ». Tout est fait par et pour eux.
C’est en tout cas l’esprit du site en 1999. Un repère d’initiés, un lieu de la contre-culture libertine qui permet à ses membres de poster leurs photos et une « annonce », dans l’espoir de recevoir des retours positifs et pourquoi pas, une demande de rencontre. Codé en HTML 1 et ayant conservé la même identité graphique des origines, J&M garde son image underground. Petit à petit, en plus des libertins qui postent photos et annonces, s’y retrouvent aussi de nombreuses personnes cherchant des plans cul, à la manière de Tinder aujourd’hui, sans oublier tous ceux qui viennent juste pour regarder.
Le site prend une autre dimension en 2007, avec le développement de l’ADSL et de la vidéo en ligne. Sur J&M TV, il y a encore peu de productions maisons. Ce sont les contributions d’utilisateurs qui alimentent la plateforme, avec tout ce que cela implique de vidéos pixelisées sans grande dimension artistique. C’est glauque, ambiance « Bois-de-Boulogne » comme l’indique un article fort peu élogieux du Tag Parfait, l’un des médias de référence sur la thématique du sexe. Le titre est évocateur : » Jacquie et Michel point net, j’y ai vu ta maman« . Le site tourne grâce à la communauté libertine et ses membres qui acceptent d’être filmés. On est loin des canons de beauté et d’âge de l’industrie pro.
Fin 2000′ début 2010′, le site comprend qu’il a plus intérêt à casser son image et surfer sur la vague des « tubes » de streaming, en pleine explosion. En gardant le même esprit « girl nextdoor », il rehausse le niveau de ses vidéos, tant en moyens techniques qu’humains… Des acteurs récurrents remplacent de plus en plus les « internautes », tandis que les actrices deviennent de plus en plus jeunes et jolies. Un moyen de faire grandir sa communauté et ses revenus.
Dès 2007, le site fait de l’argent en proposant aux visiteurs de voir la vidéo intégrale au lieu d’un simple extrait. Mais ce n’est pas un paiement ! C’est un don – façon de renforcer l’aspect communautaire – fait via Allopass. Les « internautes de J&M », à la fois spectateurs et acteurs, sont encore mis à contribution lorsqu’il s’agit de prêter main-forte à l’équipe sur un tournage… contre une nouvelle fois un « don » de quelques centaines d’euros.
Car le site promet, au-dessus de ses vidéos, en MAJUSCULE et en gras, qu’il est possible de chatter avec les actrices, de les rencontrer. Et plus si affinités. Bien sûr, il faut là encore faire chauffer Allopass.
Et quand le site atteint son rythme de croisière, avec au minimum une nouvelle vidéo par jour, il met en place un système d’abonnement pour un accès illimité. Une formule qui est la norme dans le secteur du porno online, et après une petite étude de marché – ne me jugez pas -, j’ai constaté que les prix de J&M étaient dans la moyenne haute du secteur.
Aujourd’hui, J&M est une galaxie d’une trentaine de sites, des webtv aux sites de rencontres, en passant par les webcams et un tout nouveau projet de plateforme streaming, PornEverest, présenté comme le « Netflix » du X.
Un tiers des actrices sont des amatrices
Tel un vrai groupe média, les contenus sont labellisés (grâce notamment à l’empreinte sonore « Merci qui ? » ) et sont déclinés sur les différents supports de J&M (Desinhibition.com, Pornovoisine.com, le site qui joue à fond la fameuse carte de la proximité) tout en étant plus difficilement piratables.
La marque, déposée dès 2004, fait aussi dans les produits dérivés via un e-store, l’organisation de soirées chaudes en boîte de nuit ou encore dans la presse écrite avec son magazine papier.
Un vrai petit business qui où seulement un tiers des vidéos mettent en scène de vrais amateurs qui ont contacté le site. Le reste est le fait d’actrices pros ou semi-pros, payées 600 euros les deux vidéos et qui vont régulièrement tourner pour la concurrence et autres sites qui cherchent à copier la recette J&M : du bon gros storytelling, de son nom au contenu de ses vidéos, en passant par son aspect communautaire.
Pour Thierry Bonnard, les deux tiers d’actrices en question ne sont pas de pros mais des filles qui veulent essayer et pourquoi pas en faire un métier, mais qui n’auraient jamais tourné avant. Des aspirantes professionnelles en somme, qu’on retrouve néanmoins de vidéo en vidéo, quand elles ne sont pas des guests. Aussi le prix n’est pas fixé par le site mais résulte d’une négociation entre actrices et producteurs.
J&M est une réussite marketing et cela pour deux raisons : tout d’abord, le pouvoir du sexe et tout ce qu’il permet en matière de fidélisation. Ensuite, le fait d’avoir réussi à créer puis préserver le sentiment d’appartenir à une même communauté, celle des internautes de J&M, que chaque actrice dans chaque vidéo – encore une fois, on me l’a dit – n’oublie pas d’interpeller.
Sur J&M, tout le monde se tutoie et tutoie l’internaute. On est entre potes. Et même si cette communauté regroupe près de 10 millions de personnes, la nature du porno en ligne et l’aspect underground du site ont permis de conserver sa cohésion. Le « Merci qui ? » fait alors office de signe de ralliement, de clin d’œil coquin et un peu lourd échangé entre inconnus réunis par l’amour du fap online.
Reste que la gentille communauté s’est transformée en un business bien juteux. Un business qui revendique son côté amateur à la française, loin des standards des grosses productions US, dont il se rapproche pourtant de plus en plus.
Le sympa « Merci qui ? », de gimmick amusant, redevient alors ce qu’il est vraiment : un slogan commercial, martelé par des filles qui, comme l’écrit Philippe Azoury dans les Inrocks : « se donnent comme des folles mais qui, dès qu’on leur demande “Merci qui ?”, se redressent prestement et se transforment en speakerines, en femmes-sandwichs. »
Un slogan qui, au moment où vous êtes plus mou du bulbe que du gland, s’imprime dans votre subconscient. Alors pour conclure, je ne pourrais pas faire mieux que Philippe Azoury : « Merci qui ? Merci mon cul. »
Et pourquoi ce n'est pas un complot des méchants occidentaux
Pour les pressés : cet article en 30 secondes
La projection de Mercator est la façon la plus courante de représenter le globe (3D) sur un planisphère (2D). Pourtant, elle augmente la taille des terres proches des pôles comme le Canada, la Scandinavie ou le Groenland – ce dernier apparaît aussi grand que l’Amérique du Sud alors qu’il est 8 fois plus petit ! Lire plus…
La projection de Mercator est souvent accusée d’être l’outil de l’impérialisme du Nord sur le Sud : en plus d’agrandir le Nord, il place celui-ci en haut et l’Europe au centre de la carte ! C’est pourtant faux : le Nord est avantagé car il regroupe le plus de terres émergées. Il est positionné en haut par la majorité des civilisations, des Babyloniens aux Chinois, alors que pendant longtemps, l’Occident mettait l’Est à cette place! Enfin, l’Europe (la France) est le centre de ce qu’on appelle « l’hémisphère continental », qui regroupe 85% des terres émergées. Lire plus…
La projection de Mercator est la plus utilisée car elle conserve les formes des continents, ce qui est plus pratique pour se déplacer, fonction première d’une carte. Même Google Maps l’emploie. Aucune carte ne reproduit fidèlement la forme des continents, leur superficie et les distances entre eux. Si vous voulez avoir un aperçu de la superficie réelle des continents, utilisez la projection de Peters, qui déforme toutefois ces derniers. Lire plus…
Jeudi 5 mars dernier, le fameux doodle de Google rendait hommage à Gérard Mercator. Alors non, ce n’est pas l’auteur du livre que tu as acheté en première année d’école de commerce, au cas où, et que tu n’as jamais ouvert.
Ce n’est pas non plus l’inventeur du mercato, comme on peut le voir dans une blague douteuse d’un des innombrables articles commentant chaque jour le doodle de Google. Gérard De Kremer (ce qui signifie marchand en flamand, d’où la latinisation « Mercator ») est né aux Pays-Bas espagnols il y a 503 ans. Vous ne le connaissez sans doute pas mais il a énormément influencé l’image que nous nous faisons de la Terre.
Géographe, il s’illustre en réalisant une représentation novatrice du globe terrestre sur une surface plane. C’est l’une des grandes difficultés de la cartographie : représenter un globe en 3D sur un planisphère en 2D, tout en conservant la forme des objets représentés (ici les continents), leur surface et aussi les distances qui les séparent.
L’intérêt de la projection de Mercator, c’est qu’elle reproduit très bien les formes des côtes, ce qui est particulièrement apprécié à une époque où se développent de nombreuses routes maritimes entre l’Europe, les Amériques et les Indes. C’est d’ailleurs toujours la projection de Mercator qui est utilisée sur la plupart des cartes actuelles, dont celles de Google Maps et autres. D’où les titres à peine racoleurs de certains médias, comme quoi il inventait le GPS il y a 500 ans…
Mercator au service de l’impérialisme occidental ?
Au lieu de revenir sur cet anachronisme et autres approximations, on va simplement remettre en question la façon dont Mercator a influencé notre vision du monde : cette dernière est aussi polémique que trop souvent inconnue d’une partie d’entre nous.
Pour conserver la forme des terres qu’il représente, Mercator étire les intervalles entre deux parallèles à proximité des pôles. Résultat : les terres représentées dans ces intervalles apparaissent plus grandes qu’en réalité, au détriment de celles proches de l’équateur. Le Groenland est alors aussi grand que l’Afrique, quand il est en réalité 15 fois plus petit ! De même, s’il semble plus grand que l’Amérique du Sud, cette dernière est en réalité huit fois plus étendue… Autre exemple parlant avec l’île de Baffin, à l’ouest du Groenland, censée être plus petite que Madagascar !
Vous l’aurez compris, les pays du Sud, plus proches de l’équateur, le parallèle de référence, sont désavantagés. De là à faire de cette projection un outil de domination de l’Occident sur l’Afrique, comme on peut le lire sur certains sites, comme Mediapart, faut pas abuser.
La cartographie n’échappe pourtant pas aux accusations d’impérialisme occidental, d’eurocentrisme et de complot mondial : la projection de Mercator réduirait sciemment l’importance du Sud, afin que ce qui est imprimé sur les cartes s’imprime dans l’esprit de chacun ; nos dirigeants imposeraient encore aujourd’hui cette vision du monde, afin de l’entretenir dans l’inconscient collectif ; preuves supplémentaires, le nord apparaît toujours en haut et l’Europe au centre de nos cartes ! Haha, vous voyez bien le complot !
Sur Mediapart, même le drapeau de l’ONU, qui utilise pourtant la projection de Fuller, la plus équilibrée, est critiqué : en effet, il prend pour centre le pôle nord. Il n’avantage ni l’Amérique, ni l’Eurasie ou l’Afrique, mais ça reste le nord ! le NORD !
Pourquoi le nord ?
Bon déjà, si l’on prenait pour centre le pôle sud, on n’aurait pas l’air con :
Eh oui, la grande majorité des terres émergées se trouvent dans l’hémisphère Nord. N’en déplaise aux complotistes, mais cela explique pourquoi ce sont les pays du Nord qui profitent le plus de la projection de Mercator… Bien que techniquement, avec Mercator,c’est l’Antarctique qui passe pour être le plus grand des continents (en réalité l’avant-dernier, devant l’Océanie). Alors, Nord, Sud, qui est le plus avantagé ?
Ensuite, mettre le Nord en haut est une très vieille convention, employée bien avant que l’Occident étende sa domination sur le monde. Ptolémée, savant antique dont le travail a inspiré la carte en une de cet article, en avait fait vers l’an 150 une norme de la cartographie naissante. Déjà à Babylone, en 500 ans avant JC, on mettait le Nord en haut. Idem en Chine sous la dynastie Ming.
Quand l'Occident perd le Nord
Les géographes occidentaux, appelés à explorer et cartographier le monde après 1500, n’ont fait que réinstaurer ces vieilles pratiques. Car pendant le Moyen-Âge, les cartes européennes comptaient parmi les rares à ne pas placer le Nord en haut. Étant donné l’importance du commerce de la route de la soie et l’adoration pour la Terre promise et Jérusalem, c’était l’Orient qui occupait cette place.
L’Est, le soleil « levant » matérialise le paradis terrestre. Tout comme le paradis céleste est censé être au ciel, en haut, le paradis terrestre était lui-aussi représenté en haut. On garde une trace de cette époque dans l’étymologie du mot « orienter ».
La découverte de la boussole et du Nord magnétique, très proche du Nord géographique, ainsi que les besoins d’uniformisation liés au commerce participent à la fin de cette vision du monde basée sur la foi.
Quant au fait que l’Europe apparaisse au centre, on est sans doute encore loin d’une explication purement impérialiste. Déjà, il faut garder en tête que si l’Europe est au centre des cartes européennes et bien, c’est parce qu’elles sont européennes ! Chaque pays est libre de se positionner au centre des cartes qu’il produit et je serais surpris de découvrir un complot qui tente de l’en empêcher.
Ensuite, en cartographie, on place le plus important au centre. Or, la majorité des cartographes de l’époque moderne sont Européens. Qui plus est, l’Europe est le centre névralgique du commerce maritime mondial. Dans ce contexte, il semble normal de placer l’Europe (et l’Afrique) au centre. Le fait que l’Europe, via le Portugal, l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la France, a dominé les océans pendant plusieurs siècles, justifie le fait que ce soit son modèle qui a été majoritairement adopté. Une raison plus pratique qu’impérialiste.
Enfin, la simple logique suffit à expliquer la présence de l’Europe et de l’Afrique au centre de nos cartes : ces dernières doivent représenter deux grands ensembles : l’Amérique d’un côté et l’Eurasie / Afrique / Océanie d’un autre. Vous conviendrez qu’il est plus simple de lire une carte quand les continents qui y sont représentés ne sont pas coupés en deux. Or, seule une représentation où l’Europe et l’Afrique – ou les pays situés sur une ligne Japon / Australie – sont au centre est lisible. Désolé pour nos amis Indiens ou Américains.
Aucune carte n’est parfaite
D’ailleurs, saviez-vous que la Terre était parfois partagée entre un hémisphère continental et un hémisphère maritime ? L’hémisphère continental rassemble 85% des terres émergées et son centre est situé en France ! Boom !
Bref, il y a une multitude de représentations possibles et aucune n’est totalement fidèle. Chaque carte sera plus ou moins exacte, selon ce que l’on cherche à mettre en valeur. L’important reste donc d’avoir à l’esprit ces différentes représentations du monde et leur utilité respective.
Vous voulez conserver les formes, car c’est plus pratique pour vous déplacer – ce qui reste la fonction de base d’une carte – ? La projection de Mercator s’impose. Si votre kif c’est les surfaces, vous préférerez la projection de Peters :
Néanmoins, cette version réalisée par un tiers-mondiste avec la volonté de marquer les esprits occidentaux a tendance à étirer verticalement les pays proches de l’équateur, quand elle comprime ceux proches des pôles. Et en plus, elle est vraiment très moche !
Si vous voulez avoir une vision non-déformée de la Terre et bien… arrêtez de vous emmerder avec une carte, et regardez directement une mappemonde !
Bon, vous avez été sages et jusqu’au bout de cet article, donc voici un lien vers une application de Google Maps qui vous permet de replacer les pays sur la carte. Puisque c’est la projection de Mercator qui est utilisée, vous pourrez voir les pays grandir en temps réel en les approchant des pôles ou au contraire, prendre leur taille normale en les plaçant sur l’équateur. Très instructif. On voit aussi l’intérêt d’apprendre la géographie avec Mercator et de savoir reconnaître les pays à leur forme : j’ai fait environ une minute en difficulté extrême…
Les vraies preuves de l'impérialisme cartographique
Enfin, parlons un peu de l’impérialisme européen en géographie. Je pense qu’on peut difficilement faire de la projection de Mercator l’un de ses instruments. Cependant, il offre deux exemples marquants : le méridien de Greenwich et les frontières d’Afrique.
Le méridien de Greenwich passe par Londres et marque la longitude 0°, comme l’équateur le fait pour la latitude. Il s’est imposé à la fin du XIXe siècle face au méridien de Paris et à d’autres rivaux, les Anglais essayant même de convaincre les Français de voter pour eux en promettant d’adopter le système métrique ! Car oui, nous sommes à l’origine du système métrique employé aujourd’hui dans le monde entier (sauf aux US) et l’adoption du méridien de Greenwich est le résultat d’un vote.
Ce vote ne concernait presque aucune nation africaine ou asiatique certes, mais de toute façon à l’époque, le Royaume-Uni était la première puissance mondiale, maritime et même globale puisque présente sur tous les continents. Comme ils l’ont fait avec leur langue, les Anglais pouvaient bien imposer leurs normes géographiques.
Pour ce qui est des frontières africaines – on pourrait aussi évoquer celles du Moyen-Orient – je reviendrai dans un prochain article sur la façon dont elles ont été tracées et l’impact que ces décisions ont encore à l’heure actuelle. Pour comprendre l’impérialisme occidental, directement lié à la colonisation, autant en passer par une carte !
Sir Winston Churchill, a.k.a « le grand homme », militaire, journaliste, écrivain, historien, peintre, homme d’État, prix Nobel de littérature et « défenseur du monde libre »… Le bonhomme pèse. Il est aussi alcoolique, fumeur de havanes, désagréable et menteur, révélant une personnalité aussi complexe que torturée. Il s’est éteint un 24 janvier 1965, il y a cinquante ans.
« Nous sommes tous des vers, mais moi, je crois que je suis un ver luisant. » Pour introduire Winston Spencer-Churchill, j’aurais pu citer la réplique, plus célèbre, faite en 1936 au Premier ministre britannique de l’époque, alors qu’il n’est plus qu’un vieux député marginalisé : « L’histoire dira que vous avez eu tort dans cette affaire… Et si j’en suis certain, c’est parce que c’est moi qui l’écrirai ! »
La même ironie et la même prétention animent les deux citations. Mais je préfère la première, plus modeste et plus touchante, qu’un jeune Winston confie en 1906 à Violet Asquith, qui deviendra sa meilleure amie et accessoirement la grand-mère d’Helena Bonham Carter (Mme Tim Burton). À 32 ou à 62 ans, il sera toujours convaincu de briller par son génie et qu’il accomplira quelque chose de très grand dans sa vie. Jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, il ne sait pas vraiment quoi et essaie de marquer l’histoire par les armes, par sa plume et par son talent politique.
En 1936, malgré sa tirade prophétique, cela semble peine perdue… Mais, quand il est nommé – enfin ! – Premier ministre en 1940, il sait que ce moment est arrivé. Une fois la victoire acquise, l’historien Churchill (il a déjà écrit une dizaine d’ouvrages sur la Première Guerre mondiale et sur sa famille) s’attelle à la rédaction de ses Mémoires de guerre, un monument de la littérature britannique et de l’historiographie du conflit mondial.
Winston Churchill aura donc bien marqué l’histoire. Et puisqu’il en est le narrateur, il s’attachera à ce qu’elle lui soit favorable : jusque-là cantonné aux seconds rôles, il ne laissera rien ternir son heure de gloire. Anti-nazi et anti-communiste de la première heure, ultime défenseur de son peuple à qui il ne promet que « du sang, de la sueur et des larmes », celui qui s’impose aujourd’hui comme « LA » figure britannique dans l’imaginaire collectif, avec son air de bouledogue anglais, son cigare et son verre de scotch, est l’auteur de sa propre légende dorée.
Il oublie alors certains faits ou certaines opinions, n’hésite pas à présenter les choses selon ses intérêts politiques du moment… C’est bien là la difficulté de faire l’histoire tout en l’écrivant ! Un demi-siècle après sa mort, les historiens ont pris soin de revisiter le mythe, mettant en avant les contradictions et les erreurs de jugement d’un homme pétri d’ambition et d’orgueil, souvent opportuniste, habitué aux fiascos et qui n’a jamais vraiment fait l’unanimité auprès de ses concitoyens.
Je préfère retenir le parcours d’un jeune aristocrate à qui rien n’était promis, d’un élève dissipé et méprisé par son père, d’un « anti-conformiste mondain », lucide sur ses forces et ses faiblesses, travailleur acharné qui a toujours fait passer la gloire de sa nation – et la sienne – avant sa propre santé et au péril de sa vie.
« A-t-on déjà vu un homme doté d’un si beau style entamer la narration de si grands événements après avoir occupé de si hautes fonctions ? », demande François Kersaudy, l’un de ses biographes et traducteurs de ses Mémoires, en avant-propos de cet ouvrage qui vaudra à Churchill, en plus de ses discours, son Nobel en 1953. « La narration des exploits de l’un des trois plus grands hommes d’État du siècle, par l’un des trois plus grands écrivains anglais de l’époque » ajoute-t-il quelques pages plus loin.
Pour Philippe Conrad, directeur éditorial de La Nouvelle Revue d’Histoire, qui consacre la Une de son numéro janvier-février 2015 à Churchill, « la destinée » de ce dernier « témoigne du rôle majeur que peuvent jouer certains hommes d’exception pour orienter le cours des choses et affirmer, en des conséquences particulières, le chemin de la puissance ou la voie du salut pour une nation ou pour un peuple. »
Enfin, il faut citer De Gaulle qui, bien que souvent opposé à Churchill, le désigne comme « le grand champion d’une grande entreprise et le grand artiste d’une grande histoire. »
Cet article résumé au travers de ses citations les plus célèbres
Écrivain compulsif, Churchill a écrit plusieurs dizaines de milliers de pages d’ouvrages, d’articles, de discours et de lettres privées. Sa parole est omniprésente, mais, comme le pense Raymond Cartier, journaliste et auteur de la nécrologie de l’ancien Premier ministre dans Paris Match, « plus que l’abondance de son inspiration, ce sont des réparties féroces lancées à la tête de ses adversaires, des mots d’esprit où il se moque à la fois des autres et de lui-même, et quelques phrases ciselées au burin qui firent sa gloire. Il les a jetées comme des cailloux blancs tout au long des sentiers de l’histoire pour qu’elles brillent longtemps dans toutes les mémoires. »
Grand fan du personnage, j’ai voulu marquer le coup à l’occasion des 50 ans de sa disparition. D’où ce très (trop) long texte, qui n’intéressera peut-être que les passionnés d’histoire et ceux qui ont du temps libre. Pour ne pas vous décourager, voici donc un résumé des multiples facettes de sa vie et de sa personnalité, centré autour d’une dizaine de phrases et réparties marquantes. Certaines sont utilisées plus bas, d’autres sont inédites, toutes sont géniales.
« Le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme. »
Pendant ses études, Churchill est considéré comme un cancre par son père, qui dira au futur prix Nobel de littérature qu’il a un « style pédant d’écolier attardé. » Ce dernier décède alors que Churchill a la vingtaine. Winston cherchera toujours à briller pour être à la hauteur des attentes de ce père disparu, mais gardera une vision indulgente de la vie : « lorsqu’un malheur survient, il est possible qu’il vous préserve d’un malheur bien plus grand ; lorsque vous commettez une erreur, elle peut s’avérer plus bénéfique que la décision la plus avisée. »
« N’importe qui peut être un lâcheur, mais il faut une certaine ingéniosité pour l’être à nouveau. »
Son ancêtre s’est illustré en étant le confident de quatre souverains successifs, qu’il n’a parfois pas hésité à trahir. Churchill change plusieurs fois de camp politique, ce qui explique les nombreux postes qu’il arrive à occuper. Il se défend d’être un opportuniste : « certains changent de convictions par amour de leur parti. Moi je change de parti par amour de mes convictions. »
« La politique est tout aussi exaltante que la guerre… Et bien plus dangereuse : là où vous êtes sûr de ne mourir qu’une fois à la guerre, vous pouvez mourir plusieurs fois en politique. »
Churchill aura une brève mais intense carrière de militaire et de correspondant de guerre : Cuba, Inde, Soudan, Afrique du Sud, il enchaîne les campagnes et les actes de bravoure entre 1895 et 1899. Il participe notamment à la dernière charge de cavalerie massive de l’histoire ! Il en tire une leçon de vie : « une charge de cavalerie ressemble beaucoup à la vie : tant que vous êtes en bonne forme, (…) bien en selle, (…) beaucoup de vos ennemis font un large détour pour vous éviter. Mais dès que vous avez perdu un étrier, (…) de toutes parts, les ennemis se précipitent sur vous. »
« Fumer le cigare et consommer de l’alcool avant, après et, le cas échéant, au cours de mes repas. »
À Cuba, il découvre les havanes. En Inde, il prend l’habitude de mettre de l’alcool dans son eau pour éviter les maladies. Le cigare et le verre de scotch restent comme deux de ses symboles et sont selon lui les causes de sa longévité. La légende veut qu’il ait fumé 150 000 cigares au cours de sa vie et bu un demi-litre d’alcool chaque jour ! Il dira : « j’ai retiré plus de chose de l’alcool que l’alcool ne m’en a retirées. »
« C’est à Blenheim que j’ai pris les deux décisions les plus importantes de ma vie, celle de naître et celle de me marier. Je n’ai regretté aucune des deux ! »
Churchill naît en 1874 au Bleinheim Palace, résidence familiale et seul château anglais, à part ceux de la famille royale, à prétendre au titre de palais. Il y demande sa femme, Clemence, en mariage et lui sera fidèle toute sa vie. Bien sûr, la Seconde Guerre mondiale n’a pas encore ici bouleversé son petit classement !
« Si vous étiez ma femme, je le boirais ! »
C’est ce que répond Churchill à Nancy Astor, première femme député à qui il s’oppose au sujet de l’Allemagne nazie, après qu’elle lui ait dit : « si vous étiez mon mari, je mettrais du poison dans votre café. » Lady Astor est impliquée dans un autre échange célèbre. Croisant Churchill à une réception, elle se serait écriée « Vous êtes ivre M. Churchill ! », lequel aurait répliqué « Oui, et vous, vous êtes moche. Mais contrairement à vous, pour moi ça sera terminé demain. »
« Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre. »
Churchill se présentera toujours comme un opposant au nazisme. Si c’est autant une position politicienne qu’idéologique, il fustige ici le gouvernement au pouvoir pour son inaction devant Hitler. Résolument pacifistes, les Britanniques abandonnent leur allié tchécoslovaque lors des accords de Munich (1938). Churchill aura cette célèbre phrase dans ses mémoires : « c’est ainsi que la malveillance des méchants se renforça de la faiblesse des vertueux. »
« Prenez garde, je vais parler français ! »
Churchill était un francophile et parlait plutôt bien français, malgré un accent très spécial et quelques bourdes, d’où cet avertissement. Sa francophilie ne l’empêche pas d’attaquer la flotte française à Mers el-Kébir (1300 morts) en 1940 afin d’éviter qu’elle ne tombe entre les mains allemandes. Mais c’est aussi grâce à ses efforts que la France passe dans le camp des vainqueurs en 1945.
« Une ombre s’est répandue sur la scène si récemment illuminée par les victoires alliées (…) De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique, un rideau de fer est descendu sur le continent. »
Dans un discours prononcé à Fulton en 1946, Churchill, battu aux élections l’année précédente mais qui dispose bien sûr toujours d’une influence considérable, dénonce l’appropriation par les soviétiques d’une partie de l’Europe. Il a pourtant plus ou moins négocié ce partage avec Staline pendant la guerre !
« Il ne cesse de m’envoyer des missives interminables ; étant donné que nous nous voyons chaque jour à la réunion du Cabinet de guerre, on pourrait estimer que ce n’est pas indispensable, mais bien entendu, je me rends compte que ces lettres sont destinées à être un jour citées dans le livre qu’il écrira après la guerre. »
Enfin, je terminerais non pas avec une de ses citations, mais avec celle du Premier ministre Neville Chamberlain, négociateur des accords de Munich et toujours en poste au début de la guerre, alors que Churchill est ministre de la Marine. On voit que ce dernier ne perd pas le nord et n’oublie pas ses réflexes d’historien et d’écrivain, sans toutefois réussir à tromper son entourage. Un autre Premier ministre dira de ses œuvres qu’elles sont de « brillantes autobiographies de Winston déguisées en histoire de l’univers. »
Bon allez, une petite dernière : « Quand on a sa propre statue, on commence à regarder les oiseaux d’un autre œil. »
Les Ducs de Marlborough, la blessure paternelle et la carrière militaire
Winston Churchill est issu des Ducs de Marlborough. Le 1er Duc, John Churchill, est un opportuniste, comme lui, qui marque l’histoire par ses succès militaires contre les armées de Louis XIV et la chanson Malbrough s’en va-t-en guerre.
Le père de Winston est un cadet qui laisse filer le titre de Duc et ne peut donc siéger à la Chambre des Lords avec les autres nobles. Pour faire de la politique, il devient député de la Chambre des Communes. Il méprise son fils et meurt alors que ce dernier a 21 ans. Churchill sera obsédé par la gloire et voudra prendre sa revanche sur la vie.
Il cherche d’abord à l’obtenir par les armes, se distinguant dans plusieurs campagnes militaires. Il devient également correspondant de guerre et rédige ses premiers livres sur les événements auxquels il assiste. Sa notoriété lui permet de se lancer en politique, dans les pas de son père.
Winston Churchill descend des Ducs de Marlborough : son ancêtre, John Churchill, est une figure de l’histoire anglaise de la fin du XVIIe au début du XVIIIe. Général et confident du catholique Jacques II Stuart, il n’hésite pas à trahir ce dernier en 1688, quand Guillaume d’Orange, prince protestant hollandais et également neveu et gendre de Jacques s’empare du pouvoir. Oui, neveu et gendre, c’est consanguin et plutôt dérangeant.
Disgracié en 1692, « regracié » en 1698, John Churchill s’illustre lors de la Guerre de Succession d’Espagne contre les armées de Louis XIV. Il obtient en 1702 le titre de Duc de Marlborough, bien aidé par sa femme qui est l’amie intime d’Anne Stuart, la dernière de la dynastie. S’il n’a pas de lien direct avec les cigarettes Marlboro, il reste célèbre grâce à la chanson Malbrough s’en va-t-en guerre. À nouveau déchu en 1711, il part vivre en Allemagne. Heureusement pour lui, pour le Royaume-Uni et le monde libre du XXe siècle, il devient proche du grand Électeur de Hanovre, futur George Ier d’Angleterre en 1714, qui le rétablit dans ses titres et ses biens : il aurait été plutôt drôle que Winston Churchill soit Allemand.
Bref, tout cela pour montrer qu’on a le flair dans la famille : John ou Winston, les deux ont toujours su être là au bon moment quand il s’agit du pouvoir, quitte à retourner un peu sa veste. D’abord conservateur, Churchill rejoindra en 1906 un gouvernement libéral, traversant « la salle », c’est-à-dire passant d’un côté à l’autre de la Chambre des Communes, l’organe législatif outre-Manche.
Le poids des ambitions paternelles
Son grand-père est le 7e Duc. Winston naît en 1874 au Blenheim Palace, demeure familiale et seul château britannique, hormis ceux de la famille royale, à porter le titre de palais. Son père, Randolph, fils cadet, laisse filer le titre et se fait un nom en tant qu’homme politique. Il mourra lui aussi un 24 janvier, en 1895, emporté par la syphilis.
« Aujourd’hui, nous sommes le 24 janvier. C’est le jour où mon père est mort. C’est le jour où je mourrai moi aussi » aurait-dit Churchill en 1953 selon son biographe Frédéric Ferney, auteur du récent essai Tu seras un raté mon fils !. On peut prendre cette citation comme une des innombrables prédictions mystiques de Sir Winston. Sans mettre en cause son « sens » de l’intuition, je préfère conjuguer le verbe mourir à l’imparfait et y voir l’aveu de la souffrance provoquée par le manque d’affection et de reconnaissance paternelle dont il sera victime. De nombreux auteurs en font d’ailleurs le moteur de la quête de gloire de Churchill.
Avec un père plus intéressé par sa vie politique que par sa vie familiale et une mère, fille d’un riche magnat des médias new-yorkais, attirée par les mondanités, le jeune Winston a une enfance solitaire. Plus tard, il dira du premier qu’il a « grandi dans la poche de son gilet, oublié comme un penny » et de la seconde qu’elle « brillait comme l’étoile du soir ; je l’adorais, mais de loin ». En bon enfant pourri gâté, il est dissipé en cours et s’intéresse peu à l’école. Dans une lettre à sa mère, il écrit à 12 ans : « lorsque je n’ai rien à faire, ça ne me dérange pas de travailler un peu, mais lorsque j’ai le sentiment qu’on me force la main, c’est contraire à mes principes. » On imagine mal qu’il a des problèmes d’élocution et que son père lui dira : « ce que tu écris, mon pauvre Winston, est stupide. » Il lui reproche son orthographe et son « style pédant d’écolier attardé. »
Ses résultats sont insuffisants pour qu’il puisse envisager des études en droit ou en politique. Selon Churchill, son père l’oriente vers une carrière militaire après une inspection de son armée de soldats de plomb : « les troupes étaient disposées en formation d’attaque réglementaire. Avec un œil expert et un sourire fascinant, mon père a passé vingt minutes à étudier la scène (…) Après quoi il m’a demandé si j’aimerais entrer dans l’armée. (…) Pendant des années, j’ai pensé que mon père, fort de son expérience et de son intuition, avait discerné en moi les qualités d’un génie militaire. Mais on m’a dit par la suite qu’il en avait seulement conclu que je n’étais pas assez intelligent pour devenir avocat. » Il n’est pourtant pas un cancre et excelle en histoire, en géographie et en français, une langue appréciée en grand francophile.
Churchill, ses discours et ses gaffes en français et les limites de la francophilie : le drame Mers el-Kébir
Il utilise sa maîtrise de la langue et de la culture française avec maestria lors de la guerre, prenant plusieurs fois la parole sur les ondes de la BBC : il évoque alors l’âme française, cite Napoléon avant de l’emporter à Iéna, « contre ces mêmes Prussiens aujourd’hui si arrogants », parle de Gambetta… Le tout dans un français brillant, toutefois haché par son accent et son élocution si spéciale. L’occasion d’une pointe d’humour (« Ce n’est pas le moment de mâcher ses mots », « Rira bien qui rira le dernier »), d’une formule restée célèbre (« jamais nous ne céderons ») et d’une demande à la fois désespérée et faux-cul : il veut que les Français continuent le combat et se rallient à l’Angleterre.
Ce discours est diffusé après le drame de Mers el-Kébir : les flottes françaises et britanniques ne s’étaient plus opposées depuis plus d’un siècle mais les premiers refusent de se rendre aux seconds, qui craignent que la marine française, vaincue, ne renforce les forces allemandes. On compte près de 1300 morts chez les Français, attaqués par surprise, contre 3 chez les Britanniques.
Churchill a bon dos de dire dans son discours à la BBC : « ce que nous vous demandons (…) c’est que, si vous ne pouvez pas nous aider, au moins vous ne nous fassiez pas obstacle. (…) Ne vous imaginez pas, comme la radio contrôlée par l’Allemagne essaie de vous le faire croire, que nous autres Anglais cherchions à saisir vos navires et vos colonies. Ce que nous voulons, c’est frapper jusqu’à ce qu’Hitler et l’hitlérisme passent de vie à trépas. » Jean-Pierre Maugendre, dans La Nouvelle Revue d’Histoire, apporte un autre éclairage. Churchill décrit Mers el-Kébir comme « une tragédie grecque. Pourtant, aucun acte ne fut plus nécessaire à la vie de l’Angleterre et de tout ce qui en dépendait. Je pensais aux paroles prononcées par Danton en 1793 : « Les rois coalisés nous menacent, jetons leur en défi une tête de roi. » L’événement tout entier se situait dans cette perspective-là. » Pour Jean-Pierre Maugendre, Mers el-Kébir est une « tête de roi » lancée à Vichy et aux nazis, afin de « sceller dans le sang de l’allié de la vieille l’inébranlable détermination de la Grande-Bretagne à continuer la guerre contre l’Allemagne jusqu’à la victoire finale. »
C’est aussi un moyen de mettre hors-jeu une partie de la marine française, l’une des plus puissantes et récentes au monde à l’époque, alors qu’il n’y a que la Manche qui sépare l’armée allemande de la Grande-Bretagne et que seule la domination navale britannique protège l’île d’une tentative de débarquement.
Même en sincère francophile, Sir Winston est prêt à tous les sacrifices pour préserver la puissance anglaise. Mais revenons à des choses plus légères. Le français de Churchill est bon, en témoigne les nombreuses expressions utilisées dans ses livres, mais pas parfait : selon la légende, au moment d’évoquer une carrière marquée par deux phases successives, l’avant et l’après-guerre, il aurait dit que son « derrière », son passé, « était divisé en deux parties », ce qui laisse plutôt songeur. En introduction d’un discours en 1949 à Strasbourg, pour préparer son auditoire à une nouvelle gaffe, il préfère avertir : « prenez garde, je vais parler français! »
Ses bulletins scolaires ne lui permettent pas d’entrer au prestigieux Eton College, une première dans la famille qui achève de dépiter son père. Il intègre Harrow en 1888, une école moins cotée mais qui reste quand même l’une des meilleures au monde, preuve s’il en faut que la naissance, le pouvoir et l’argent l’emportent souvent sur le simple mérite. Même à Harrow, il reste désinvolte et sélectif dans les matières où il brille. Alors que les meilleurs élèves apprennent le grec et le latin, il doit subir des cours de rattrapage en anglais. Ironiquement, c’est là que le jeune Winston tombe amoureux des mots.
Une courte mais intense carrière militaire
S’il remporte plusieurs titres d’escrime (il sera aussi plus tard en Inde un très bon joueur de polo, ce qui contraste avec son célèbre « no sport », censé expliquer sa longévité), il échoue deux fois à son examen d’entrée à l’Académie militaire de Sandhurst, qu’il finit par réussir en 1893, terminant 92e sur 102.
C’est insuffisant pour entrer dans la prestigieuse infanterie royale et il devra choisir la cavalerie, au grand dam de son père. Deux ans plus tard, il aura fait bien des progrès en sortant 8e sur 150 de sa promotion. Malheureusement, son père décède quatre semaines plus tôt. Comme pour tant d’autres grandes figures, le paternel n’aura jamais l’occasion d’être fier de son fils et ne saura jamais quel génie et quelle empreinte celui-ci laissera dans l’histoire. Chienne de vie.
Ces difficultés, Churchill en fait une force. L’occasion de mettre en avant ma citation préférée : « le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme. »
Promu lieutenant, Churchill développe dans un premier temps un désir de gloire militaire. Dès 1896, il demande à être envoyé à Cuba, où des rebelles cherchent à s’émanciper de la tutelle espagnole. Il y connait son baptême du feu avec les troupes loyalistes, envoie un premier compte-rendu au Daily Graphic, prémices de sa carrière parallèle de journaliste correspondant de guerre, et surtout rapporte dans sa valise une bonne grosse provision de havanes.
Femme, cigare, alcool : Churchill, un homme fidèle en amour et en excès
Le cigare deviendra chez lui une icône, la légende voulant qu’il en ait fumé pas loin de 150 000 au cours de sa vie, soit environ 6 cigares par jour de ses 22 à ses 91 ans. C’est beaucoup, à la hauteur du demi-litre d’alcool (surtout du scotch, du porto et du champagne, mais jamais de cocktail) qu’il engloutit chaque jour, encore selon la légende. L’adjectif « churchillien », souvent utilisé pour désigner un bon mot, prend alors des accents gargantuesques. Il aurait ainsi dit au roi George VI en 1952 : « quand j’étais jeune, j’avais pour règle de ne pas boire avant le déjeuner. À présent, ma règle est de ne jamais boire avant le petit-déjeuner. » Autre règle : « fumer le cigare et consommer de l’alcool avant, après et, le cas échéant, au cours de mes repas. »
Ces deux éléments sont aussi des sources d’inspirations poétiques : il se défend d’être alcoolique (« j’ai retiré plus de chose de l’alcool que l’alcool m’en a retirées ») et déclare son amour pour les havanes, d’une façon qui a de quoi relancer le débat sur sa bisexualité (« fumer le cigare, c’est comme être amoureux. On est d’abord attiré par sa forme, on reste pour sa saveur et on doit toujours se souvenir de ne jamais, jamais laisser la flamme s’éteindre. ») En matière de cigare et d’amour, Churchill restera un homme d’une fidélité exemplaire. Il fumera quasiment toujours les mêmes double corona de 19mm de diamètre de la marque cubaine Romeo y Julieta, rebaptisés Churchill en son honneur. À Londres, il se fournira majoritairement à la boutique James J.Fox, où il ouvre un compte en 1900, pour ne le fermer qu’à sa mort !
Mais bien sûr, c’est envers sa femme, Clementine Hozier, avec qui il aura cinq enfants, qu’il montre la plus belle fidélité. Il fait sa demande en 1908 au Blenheim Palace, d’où une autre de ces phrases fameuses : « C’est à Blenheim que j’ai pris les deux décisions les plus importantes de ma vie, celle de naître et celle de me marier. Je n’ai regretté aucune des deux ! »
La même année, il part pour l’Inde, joyau de l’empire colonial britannique. Il s’y fait agréablement mais royalement chier. Isolé dans le confort des officiers coloniaux, il lit les grands auteurs historiques (Gibbons), philosophiques et politiques (Platon, Aristote, Pascal, Saint-Simon, Schopenhauer) et économiques (Smith, Malthus), rattrapant le retard pris pendant ses études. Il en vient à se rêver suivre les pas de son père, plusieurs fois ministre. Dès qu’il sort dans la rue, il a l’occasion de se forger une profonde conviction impérialiste : il critique les Indiens et leur odeur de curry, est malade de ne boire que du thé à cause de l’eau non-potable et est atterré par la misère et la corruption qui y règnent. De toute évidence, il est nécessaire de prendre en main ce peuple pour l’amener au niveau de civilisation des Britanniques.
Une trentaine d’années plus tard, c’est au sujet de l’Inde qu’il rompt avec les conservateurs (il retrouve son ancien camp en 1925 pour devenir ministre), quelques mois après avoir perdu les élections de mai 1929. Contrairement à la nouvelle opposition dont il fait partie, il est contre la libération de « M. Gandhi » – dans ses Mémoires, publiées au moment de la mort de celui qui est désormais une icône mondiale – « ce fakir (…) à demi-nu » – comme il le désigne en 1929… – chef de file du parti nationaliste indien venu négocier à Londres le passage de la colonie sous le statut de dominion (état indépendant mais membre du Commonwealth). Cette rupture annonce une longue traversée du désert qui dure dix ans, jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, et qui verra Churchill absent de l’exécutif.
Mais dans l’Inde de la fin du XIXe siècle, le jeune officier qu’est Winston Churchill n’a jamais croisé Gandhi et s’efforce de participer à la pacification du pays. En 1897, son régiment mène une offensive contre les pachtounes du Malakand, à la frontière entre les actuels Pakistan et Afghanistan. Il se bat dans la région pendant plus d’un mois et voit la mort de très près, expérience dont il tire son premier récit, Le Siège de Malakand, publié l’année suivante sous le nom The Story of the Malakand Field Force. Le livre, ainsi que les articles publiés en tant que correspondant de guerre, lui valent une reconnaissance critique. Pour Churchill, une chose est sûre : l’armée c’est bien mais un peu dangereux et il se lancera dans la politique à la première occasion.
Il souhaite cependant effectuer une dernière pige au Soudan, où l’armée de Sa Majesté est tenue en échec par les rebelles musulmans. Après une interminable remontée du Nil, dont il se souviendra au moment de nommer un nouveau récit de ses aventures (La Guerre du fleuve), il débarque à Omdourmân et combat le 2 septembre 1898 à la bataille du même nom. Il participe selon la légende à la dernière charge de cavalerie notable de l’histoire de l’armée royale. La classe.
Après l’échec de sa première tentative pour être élu député, Churchill décide de reprendre du service en tant que correspondant de guerre et part pour l’Afrique du Sud, où le Royaume-Uni entre en guerre contre les « États boers », ces républiques créées par des colons hollandais. Mais il a une vision particulière du rôle de correspondant de guerre : déjà tenté de participer aux histoires qu’il raconte, il n’hésite pas à combattre ; est fait prisonnier ; s’évade ; sauve la vie d’un général… Un moment pressenti pour obtenir la Victoria Cross, plus haute distinction britannique, on en vient à se demander quand il a le temps de rédiger ses articles. Ces derniers, regroupés dans un recueil paru en 1900 sous le nom De Londres à Ladysmith, via Pretoria, ainsi que le récit de son évasion, lui assurent une notoriété utile pour lancer véritablement sa carrière politique.
Il dira alors : « la politique est tout aussi exaltante que la guerre… Et bien plus dangereuse : là où vous êtes sûr de ne mourir qu’une fois à la guerre, vous pouvez mourir plusieurs fois en politique. »
L’homme de lettre, le ministre et le chef de guerre
À l’aube du XXe siècle qu’il marquera d’une trace indélébile, Winston Churchill est auréolé du statut de jeune officier courageux et de reporter de guerre intrépide. Si sur le terrain, ses succès militaires sont sans équivoque, on verra qu’une fois au pouvoir, il aura moins de succès au niveau stratégique, son imagination fantasque se heurtant souvent aux réalités de la guerre.
Par ailleurs, Sir Winston s’affirme comme un grand écrivain. Il excelle dans les œuvres biographiques portant sur sa famille, son père et son ancêtre John Churchill, mais surtout sur sa propre vie, qu’il mêle aux grands événements de son temps. Il donne naissance à un genre très churchillien, qui caractérise Le Siège de Malakand, La Guerre du fleuve, The World Crisis, où il raconte la/sa Première Guerre mondiale, et bien sûr ses Mémoires. De « brillantes autobiographies de Winston déguisées en histoire de l’univers » dira un Premier ministre britannique.
C’est dans l’arène politique que Churchill affirme sans doute le plus son style, par ses discours marquants et ses réparties cinglantes. Plusieurs fois ministre, il connait les deux guerres les plus importantes de l’histoire de l’humanité, auxquelles il doit une grande part de sa légende. Car en temps de paix, les actions de Churchill laissent un souvenir mitigé.
En 1900, élu de justesse député, Winston Churchill a déjà de solides opinions politiques. Il adhère totalement au dogme du parti conservateur en matière d’impérialisme et de nationalisme britannique, insistant sur l’importance de la politique maritime du pays, mais, fait original, se rapproche des libéraux dans le domaine du social, considérant « l’amélioration de la condition ouvrière britannique comme le but principal d’un gouvernement moderne. » Adepte du libre-échange comme outil de la puissance commerciale du pays, il s’oppose de plus en plus à son propre camp et envisage de retourner sa veste pour se rapprocher du pouvoir, chose qu’il fera dès 1904.
Un second rôle sur la scène politique
Ministre du Commerce en 1908, puis de l’Intérieur en 1909, il œuvre pour la création d’un salaire minimum, d’une pension pour les chômeurs, d’un système de retraite et d’un système de sécurité sociale. Premier « flic » du pays, il n’hésite pas à se rendre sur le terrain lors d’affrontements et est confronté à l’émergence des suffragettes, ces militantes féministes qui réclament le droit de vote. Bien qu’il propose un référendum sur le sujet, puis qu’il œuvre pour que les femmes obtiennent de meilleurs salaires durant la Première Guerre, l’opinion publique garde de lui l’image d’un misogyne.
Vous êtes ivre M.Churchill !
On se souviendra ainsi longtemps de sa rivalité avec Nancy Astor, l’une des premières femmes à siéger à la Chambre des Communes en 1919, après l’obtention du droit de vote et d’éligibilité universel. Souvent opposés au sujet du comportement à adopter vis-à-vis de l’Allemagne nazie, leurs échanges mondains resteront dans la postérité. Le croisant à une réception, elle se serait écriée « Vous êtes ivre M. Churchill ! », lequel aurait répliqué « Oui, et vous, vous êtes moche. Mais contrairement à vous, moi ça sera terminé demain. »
Bien sûr, Winston Churchill est bien plus vilain que Lady Astor. Les deux n’arrêtaient pas de se chercher, comme en témoigne cette nouvelle pique de l’élue d’origine américaine : « si vous étiez mon mari, je mettrais du poison dans votre café » contrée d’un magnifique « si vous étiez ma femme, je le boirais ! »
Il est ensuite nommé Premier Lord de l’Amirauté (ministre de la Marine) et prend la bonne décision de mobiliser la flotte avant le début de la Première Guerre mondiale, puis d’investir dans le développement des premiers chars d’assaut, mais doit démissionner après plusieurs bourdes. Sa présence dans le port d’Anvers en Belgique, alors que la ville est assiégée, rappelle à ses compatriotes le comportement de Churchill lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. En voulant être aux premières loges, il attire sur lui l’attention et est désigné responsable de tous les échecs. La résistance d’Anvers sera cependant jugée bénéfique par les historiens.
Mais c’est une autre opération, dont il passera longtemps pour le principal promoteur, qui va le mettre en difficulté : les Dardanelles, l’un des deux détroits qui séparent, avec le Bosphore (Istanbul), la Méditerranée et la Mer Noire, sont la cible de l’une des premières opérations amphibies de l’histoire. En 1915, on décide d’attaquer la Turquie, alliée de l’Allemagne à Gallipoli. Ce qui doit être une opération éclair dure finalement plus de six mois, pendant lesquels 200 000 hommes perdent la vie, sans même réussir à passer la plage ! Churchill doit quitter le gouvernement, bien qu’il soit dédouané par une enquête à la fin de la guerre.
Il servira un temps sur le front français en tant que colonel, trouvant sous les bombes « un bonheur et un contentement » qu’il n’avait plus connu depuis longtemps, avant de redevenir ministre de l’Armement en 1917. Critiqué alors, réhabilité ensuite, il a globalement une action positive pendant le conflit.
Lors du Traité de Versailles, il est l’un des rares à prôner l’indulgence envers l’Allemagne tandis que se profile la menace communiste. Mais ses actions futures en tant que ministre sont critiquables. Secrétaire d’État aux Colonies libéral en 1922 et Chancelier de l’Échiquier conservateur de 1925 à 1929, il s’attire l’inimitié des deux camps. Au sujet de son énième changement d’alliance, il dit avec cynisme : « n’importe qui peut être un lâcheur, mais il faut une certaine ingéniosité pour l’être à nouveau. »
Aux Colonies, il valide notamment le partage des anciennes possessions ottomanes avec la France, autorisant la création du royaume d’Irak et le recours d’armes chimiques contre la minorité rebelle kurde… Aux Finances, il laisse un bilan mauvais, contrairement à ce qu’il écrit dans ses mémoires : « d’un point de vue économique et financier, la masse de la population était manifestement plus prospère (…) à la fin de notre mandat qu’à son début. Voilà un résultat modeste, mais incontestable. » En réalité, si Churchill emploie son style à la défense des valeurs qui lui sont chères, comme celle de l’entrepreneuriat (« Certains considèrent le chef d’entreprise comme un loup qu’on devrait abattre, d’autres pensent que c’est une vache que l’on peut traire sans arrêt. Peu voient en lui le cheval qui tire le char ») il restera associé à la malheureuse réévaluation de la livre sterling, permettant à la monnaie britannique de « regarder à nouveau le dollar dans les yeux » selon l’expression alors en vogue, mais qui précipite une baisse des exportations, une sérieuse déflation et des grèves massives de protestation contre le chômage en 1926. Après 1929, Churchill s’enfonce dans la marginalité, décrié par ses anciens collègues tant conservateurs que libéraux, ainsi que par les travaillistes / socialistes, qu’il assimile souvent aux communistes qu’il déteste comme la plupart des totalitarismes.
Churchill et ses rapports ambigus avec les régimes dictatoriaux
Il est cependant prêt à composer avec eux s’il y trouve un intérêt : il essayera jusqu’au bout de défendre Mussolini dans l’espoir de le ramener à la raison et d’isoler les nazis, comme il pensera toujours pouvoir, après-guerre, diminuer les tensions Est-Ouest grâce à l’amitié qu’il croyait avoir avec Staline. Il soutient Franco dans la guerre civile espagnole, ce dernier luttant contre les communistes. Même Hitler, qu’il qualifie plus tard de « monstrueux avorton de la haine et de la défaite » n’est pas totalement rejeté en 1935 par un Churchill tout de même sceptique : « l’histoire est remplie d’exemples d’hommes parvenus aux faîtes du pouvoir par l’emploi de procédés rudes, sinistres et même effroyables et qui, néanmoins, lorsque l’on évalue leur existence en entier, ont été de grandes figures dont la vie a enrichi l’histoire de l’humanité. Peut-être en sera-t-il de même avec Hitler ? »
L’image d’anti-nazi de la première heure n’est pourtant pas fausse : dès 1932, tandis qu’il profite de sa retraite forcée pour réaliser la biographie de son ancêtre John, il se rend en Allemagne où ce dernier a remporté ses plus belles victoires et a été exilé. Il revient en Angleterre inquiet par ce qu’il y voit et interpelle la Chambre des Communes : « Tous ces jeunes Teutons qui défilent dans les rues, les yeux pleins d’espoirs de conquêtes, sont prêts à souffrir et à mourir pour leur mère-patrie. Ils veulent des armes et, dès qu’ils en auront, ils se battront pour reprendre les territoires perdus. » Ses positions contrastent avec une classe politique majoritairement pacifiste et expliquent la durée de son absence au pouvoir.
Il s’étrangle quand l’Angleterre et l’Allemagne signent le traité naval permettant au IIIe Reich de développer à nouveau une marine, contrairement à ce que prévoit le Traité de Versailles. La marine, outil séculaire de la puissance britannique, c’est le bébé de Churchill et il ne tolère pas qu’elle puisse être concurrencée, surtout par un régime en plein réarmement, qui profite de la peur d’un nouveau conflit mondial pour agir en toute liberté. En contrepartie, il pèse de tout son poids politique pour que l’Angleterre investisse dans son armée de l’air, à la hauteur de ce que fait l’Allemagne. Le glorieux épisode de la « bataille d’Angleterre » lui donne raison.
Hitler, un marchepied vers la gloire
Churchill ne s’engage à fond dans la lutte contre l’Allemagne nazie que quand il est certain de l’imminence de la guerre. Ce sera chose faite en 1938, après la signature des accords de Munich, censés voir « la paix sauvée pour une génération » selon le Premier ministre Chamberlain. En réalité, ces accords, qui marquent l’abandon de la Tchécoslovaquie à Hitler, renforcent les certitudes du dictateur sur le fait que l’Angleterre et la France ne bougeront pas en cas de guerre. En six ans, il a pu remilitariser le pays, retrouver et même étendre ses frontières sans que personne ne bouge. Churchill s’exclame alors devant les autres députés : « Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre. Ce moment restera à jamais gravé dans vos cœurs. »
L’un des passages les plus célèbres de ses Mémoires concerne également cet épisode : « c’est ainsi que la malveillance des méchants se renforça de la faiblesse des vertueux. »
Considéré comme un oiseau de mauvais augure mais lucide quant à la tragédie qui se prépare, Churchill veut apparaître comme le plus féroce adversaire d’Hitler, conscient que l’opinion publique ne tardera pas à se retourner en sa faveur. Pari gagnant : il redevient ministre de la Marine deux ans plus tard (« Winston is back « ), puis Premier ministre lorsque Hitler est en passe de s’imposer en France et qu’on cherche un homme relativement « neuf » (Churchill n’est pas responsable de la politique des dix dernières années) pour mener un gouvernement d’union nationale.
Pendant cinq ans, il sera un leader admirable, contraint aux manœuvres les plus subtiles pour imposer ses vues aux Américains et aux Russes. Sans revenir sur le conflit (on en serait quitte pour 30 000 autres signes !), il est important de rappeler ce que nous devons à Churchill : l’honneur de la France préservé, alors que Roosevelt et Staline nous considéraient comme une nation de vaincus et de collabos.
Il joue sur la menace soviétique pour convaincre les Américains de s’appuyer en priorité sur le Royaume-Uni, au sein d’un grand ensemble anglo-saxon, et de ne pas laisser une Europe en ruine à la merci de l’ours communiste. Quand un énième plan de gouvernement mondial d’après-guerre prévoit la suprématie de quatre pays (États-Unis, Russie, Royaume-Uni et Chine), Churchill s’exprime en faveur de « la restauration de la splendeur d’une Europe mère des nations modernes et de la civilisation », avant d’appeler la création des « États-Unis d’Europe. » Grâce à lui, autant si ce n’est plus qu’à De Gaulle, la France obtient un siège permanent au futur conseil de sécurité de l’ONU.
Et si Churchill est parfois écarté des discussions, c’est en partie du fait de son caractère : souvent emporté par ses émotions, son orgueil et son imagination, Sir Winston n’aura de cesse que de proposer des « initiatives stratégiques hasardeuses, précipitées et potentiellement catastrophiques » selon les mots de François Kersaudy, son biographe. Le souvenir de Gallipoli et des Dardanelles, noms souvent scandés dans ses meetings d’entre-deux guerres, reste vivace, et les plans de Churchill pour un débarquement en Norvège en 1943 ou dans les Balkans en 1944 prouvent au commandement allié que le Premier ministre est inapte en matière de stratégie militaire globale. Ces projets avortés caractérisent le bouillonnant personnage, toujours en quête de gloire.
Ses Mémoires de guerre lui rapportent 40 millions de dollars
Si le deuxième conflit mondial n’avait pas eu lieu, l’homme politique Churchill se serait sans doute totalement effacé derrière l’écrivain Churchill. Qui sait ce qu’il aurait trouvé à écrire ? Heureusement, la Seconde Guerre mondiale lui offre le matériel pour produire sa plus grande œuvre, lui qui avait un accès privilégié aux informations et aux grands acteurs du conflit. Il n’oubliera jamais cette facette de sa personnalité, même pendant la guerre : Chamberlain, Premier ministre en 1940 quand Churchill est en charge de la Marine, se plaint des lettres « interminables » que lui envoie son ministre alors qu’ils se voient tous les jours, avant de confier à sa sœur : « on pourrait estimer que ce n’est pas indispensable, mais bien entendu, je me rends compte que ces lettres sont destinées à être un jour citées dans le livre qu’il écrira après la guerre. » De même les fonctionnaires travaillant sous ses ordres avaient l’habitude de s’écrier « encore une pour les Mémoires ! » en recevant ses notes !
Churchill nous fait vivre le conflit de l’intérieur mieux que personne, dans un style unique, se laissant parfois aller à un semblant d’émotion, mais toujours avec le même flegme et le même humour typique. Voici par exemple ce qu’il pense au moment où il apprend la tragédie de Pearl Harbor, alors qu’il attend l’entrée en guerre des Américains depuis plus d’un an et demi et qu’il vient de déclarer la guerre au Japon : « Après Dunkerque ; après la chute de la France ; après l’horrible épisode de Mers el-Kébir ; après la menace d’invasion, lorsque, la marine et l’aviation mises à part, nous étions un peuple pratiquement désarmé ; après la lutte féroce contre les sous-marins, la première bataille de l’Atlantique, gagnée d’extrême justesse ; après dix-sept mois d’un combat solitaire (…) nous avions gagné la guerre. L’Angleterre survivrait, la Grande-Bretagne survivrait, le Commonwealth des nations et l’empire survivraient. (…) Une fois de plus dans la longue histoire de notre île, quoique meurtris et mutilés, nous allions ressurgir, saufs et victorieux ; nous ne serions pas anéantis ; notre histoire ne s’achèverait pas ; nous n’aurions peut-être même pas à mourir en tant qu’individus. » Un second degré churchillien, renforcé à la page suivante, lorsqu’il reproduit le communiqué envoyé à l’Ambassadeur du Japon, lequel comporte les formules de politesse courantes, et dit : « d’aucuns se sont offusqués de ce style cérémonieux ; mais après tout, quand vous devez tuer quelqu’un, rien ne coûte d’être poli. »
L’écrivain Churchill, c’est un total de 37 ouvrages, 400 articles et 3000 discours. Il est considéré comme l’un des auteurs ayant gagné le plus d’argent, tandis que ses seules Mémoires lui rapportent au minimum 40 millions de dollars. Les mots de Churchill résonneront pendant longtemps en Europe, son discours de Fulton en 1946 restant dans les annales par sa dénonciation du « rideau de fer » qui s’est abaissé sur l’Europe. Revenu aux affaires de 1951 à 1955, Churchill, sur le plan international, s’emploie à maintenir l’unité de l’empire, lui qui regrette l’indépendance de l’Inde, accordée par le gouvernement précédent et à laquelle il s’est toujours opposé. Il prend l’habitude de dire : « j’aurais pu défendre l’empire britannique contre n’importe qui, sauf les Britanniques. »
Il a aussi à cœur de chercher à apaiser les tensions Est-Ouest, alors que son pays est directement menacé par la proximité du bloc soviétique. Jusqu’en 1953 et la mort du dictateur, il pense pouvoir user de sa relation personnelle avec Staline pour l’amener à coopérer. Le 11 mai 1953, il en appelle même à l’ouverture avec l’URSS, afin d’assurer « la paix à notre génération. » Ironiquement, Churchill emploie les mots qu’il avait critiqués au moment de la signature des accords de Munich avec Hitler. Tout comme les dirigeants anglais de l’époque ignoraient la nature d’Hitler, Churchill ne perce jamais vraiment celle de Staline, sa paranoïa et le fonctionnement du système soviétique. Ce sera sa dernière et l’une de ses rares erreurs de jugement.
Après une vie menée à un train infernal (son garde du corps, Walter H.Thompson, qui accompagne Churchill entre 1922 et 1945, estime dans ses mémoires avoir fait près de 320 000 kilomètres en sa compagnie…), Winston Churchill se remet difficilement d’une attaque en 1953, mais reste Premier ministre jusqu’en 1955 et député jusqu’en 1964, à l’âge de 90 ans. Il est le seul député à avoir remporté une élection sous le règne de la reine Victoria (1837-1901) et celui de son arrière-arrière-petite-fille Elisabeth II (depuis 1952) ! Churchill termine sa vie en voyageant et en peignant, comme il l’a toujours fait, même durant les heures les plus sombres de la guerre. Il meurt d’une nouvelle attaque, exactement 70 ans après le décès de son père.
L’histoire de Winston Churchill, c’est l’histoire de notre monde qui s’emballe, écartelé entre une dernière charge de cavalerie menée aux confins de l’Afrique et l’explosion de la première bombe atomique, le lent déclin de l’empire britannique victorien et l’éclosion d’un monde bipolaire, séparé par son fameux « rideau de fer ». C’est aussi, à l’instar de De Gaulle, l’un des derniers géants de la politique, à la fois homme de lettres et d’action. Et tout comme le général en France, il bénéficie toujours d’une sorte d’aura dorée, qui éblouit tellement qu’elle empêche de vraiment s’approcher pour regarder en détail les aspérités des personnages, leurs défauts et leurs erreurs.
« Pour un homme qui a occupé la première place sur la scène du monde avant que sa figure s’estompe dans la pénombre de la retraite, la mort est une résurrection », disait Paul Reynaut, ancien dirigeant français, au moment de la disparition de Churchill dans les colonnes du Figaro. Cinquante ans plus tard, le mythe est toujours vivant.
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Sources :
Mémoires de guerre, 1919 – 1941 et 1941 – 1945, par Winston S.Churchill, traduction de François Kersaudy pour la collection Texto (2013).
La vérité sur Churchill, dossier de La Nouvelle Revue d’Histoire, numéro 76 (janvier-février 2015).
Photos : Times (l’image de une n’est pas un selfie (désolé) mais une publicité retouchant une photo originale de Churchill), Getty images, Wikimédia, Imperial War Museum, US Library Congress.
Ecoutez la musique en lisant l'article, ça rendra le tout plus dramatique ;)
Il y a tout juste 34 ans John Lennon était assassiné à New York par Mark David Chapman. Nous avons ainsi été privés d’un des plus grands artistes que cette terre ait porté et laissés seuls à imaginer ce que le grand John aurait pu nous offrir s’il avait continué à vivre.
John Lennon était un pacifiste qui s’est pris la violence de la réalité en pleine tronche.
Du coup je vous propose de faire pareil avec sa plus célèbre chanson Imagine :) .
Au cas où certains ne le sauraient pas, Imagine décrit l’utopie de John, un monde dans lequel il n’y aurait ni religion, ni nation, ni normes, ni possessions matérielles (c’est très communiste quand on y pense à deux fois). John imagine ce monde et nous invite à l’imaginer avec lui. C’est beau et ça redonne foi en l’humanité.
Mais la musique est une histoire de contexte, ce qui nous est remarquablement prouvé par cette reprise du groupe A Perfect Circle. En changeant l’arrangement et l’ambiance, le groupe nous offre une version sombre du titre de John Lennon, une version dans laquelle les pourtant exactes même paroles passent de l’espoir au renoncement, comme si cette utopie, ce rêve n’avait finalement plus aucunes chances d’arriver.
Voilà désolé d’avoir cassé l’ambiance.
Ah et les plus attentifs d’entre vous auront sûrement reconnu l’incroyable voix de Maynard James Keenan plus connu pour son rôle de leader dans le groupe Tool (qui est au passage un groupe absolument fascinant que je vous recommande chaudement).
A Perfect Circle est donc l’un de ses sides project et c’est bien stylé, écoutez :
Je suis un grand fan de musique et quand je rencontre quelqu’un à une soirée une question que j’aime bien poser est « quelle musique tu aimes ? ». C’est un excellent moyen pour moi d’avoir une conversation avec quelqu’un et de m’éviter de rester comme un con debout à alterner entre mes gorgées de whisky-coca et la vérification rapide sur mon portable de posts facebook que j’ai déjà vus 4 fois.
Une réponse que certains me donnent est « j’écoute un peu tout » ce qui peut me pousser parfois à parler de musique classique et à passer pour un mec bizarre, parce que beaucoup de gens ne considèrent même pas l’idée d’écouter de la musique classique en dehors du film Black Swan et des pubs d’assurance qui nous rappellent notre enfance.
Et comment leur en vouloir ? La musique classique a ce coté élitiste qui donnerait presque l’impression que les mecs font exprès de rendre le truc inaccessible comme pour se la péter. Merde il n’y a qu’à regarder les noms des musiques…
Mais ici on va vous parler franchement et on va vous présenter les choses suffisamment pour que vous puissiez découvrir ce truc fabuleux qu’est la musique classique.
Alors si vous êtes curieux, si vous voulez découvrir de nouveaux types d’orgasmes auditifs ou si vous voulez être aussi classe que Di Caprio dans cette scène de Shutter Island « C’est quoi cette musique ? Brahms ? … … … … … Non… … … … … C’est Mahler » ben continuez à lire.
Vous comprendrez bien qu’aborder des siècles de musique de façon exhaustive ne peut pas se faire en un article web alors j’ai dû faire un certain nombre de choix. J’ai décidé de vous parler uniquement des grands courants de la musique classique et de leur principaux représentants (des noms que vous devez connaître) en vous conseillant à chaque fois des trucs cools et sympas à écouter. Cela devrait vous donner assez d’infos pour pouvoir commencer à kiffer.
Ah et non j’ai pas fait de conservatoire ni d’études de musicologie donc ma seule légitimité pour en parler c’est que ça me plaît.
Les styles de musique classique
Un genre musical comme la musique électronique n’a même pas 50 ans et pourtant il comporte plus de genres et sous-genres qu’il n’y a de pokemon (soit 151, enfin c’est ce que je pensais avant de checker wikipédia, apparemment il y en a 719 maintenant , ce monde devient fou ).
Alors imaginez un genre qui serait vieux de plusieurs siècles, vous comprendrez que ça a pas mal bougé entre temps et il y a donc plein de styles différents qui correspondent à la période pendant laquelle ils étaient à la mode.
Pour ne pas y passer des heures, on va juste parler des plus grands courants ici : Baroque, Classique et Romantique.
La musique baroque (1600-1760)
Faisons ce que tout être normalement constitué fait quand il veut savoir quelque chose et allons sur Wikipédia. L’encyclopédie définit la musique baroque comme suit :
Le style baroque se caractérise notamment par l’importance du contrepoint puis par une harmonie qui s’enrichit progressivement, par une expressivité accrue, par l’importance donnée aux ornements, par la division fréquente de l’orchestre avec basse continue, qui est nommé ripieno, par un groupe de solistes qui est le concertino et par la technique de la basse continue chiffrée comme accompagnement de sonates.
Voilà qui explique tout. Lorsque même Wikipédia pond des définitions qui ne sont compréhensibles que par les master 2 en musicologie, on saisit vite pourquoi la musique « classique » est vue comme un truc élitiste.
Bref, pour définir la musique baroque, je vais vous demander d’imaginer dans votre tête une soirée à la cour de Louis XIV, maintenant imaginez la musique qu’on y passe. La majorité d’entre vous devrait avoir pensé à un truc comme ça :
Vivaldi : Les quatre saisons : le printemps
Vous l’aviez ? Bien. En effet la musique baroque était très à la mode à l’époque du roi Soleil.
Le genre baroque se reconnait à l’oreille assez aisément et ce même si vous n’y connaissez rien en musique.
La première chose qui saute aux oreilles et que tout semble très régulier, complexe, encadré et codé. La raison est plutôt simple, à l’époque en effet les gens étaient plutôt du genre coincé du cul et la musique pour être, « noble », devait suivre une pléthore de règles dont l’énumération ici serait inutile et fastidieuse.
Cliquez pour l'anecdote rigolote en plus à sortir en soirée
L’église avait également ses propres règles musicales, par exemple elle interdisait l’usage du triton, c’est à dire de jouer deux notes qui soient séparées par 3 tons, par exemple Fa et Si (Voilà à quoi ça ressemble). En effet cet intervalle génère une tension dans le cerveau que l’église considérait comme Diabolique. Jouer ces notes pouvait vous emmener au bûcher au moyen-âge, mais pendant la période baroque on a décidé de ne plus tuer les gens pour un accord et certains compositeurs l’utilisaient par provocation. Ce type d’accord est d’ailleurs surreprésenté dans le métal pour ses sonorités diabolique, ex : le riff d’Enter Sandman de Metallica
Ensuite, on notera une sur-utilisation de la flûte à bec (oui comme au collège) de l’orgue et du clavecin dans le genre baroque. Ce dernier est d’ailleurs à mon sens l’instrument baroque par excellence, écoutez plutôt.
Johann Sebastian Bach : Le clavier bien tempéré (ce nom me fait rire)
Ah et ça au passage c’est Bach dont la musique est considérée comme l’aboutissement et le couronnement du genre Baroque et qui se dispute la place de plus grand compositeur de tous les temps avec Mozart et Beethoven, ce qui est plutôt classe. Néanmoins on précisera que Bach était quasi inconnu de son vivant et ne fut reconnu qu’une centaine d’années après sa mort, ce qui est plutôt pas classe.
Au cas où vous n’auriez pas réalisé j’aimerais insister. Le gars considéré mondialement comme l’un des plus grands génies de la musique est mort en pensant qu’il était un loser sans talents.
La vie peut être une chienne.
La musique baroque correspond au moment où les choses sérieuses ont commencé et vous ne pouvez pas envisager de vous intéresser à la musique classique sans connaître un peu ce courant (ça serait comme commencer à écouter du rap français sans s’intéresser à MC Solaar).
Cependant, mon avis personnel est que la musique baroque n’est pas la plus accessible et qu’elle peut vite sonner ringarde pour nos oreilles du 21ème siècle. Pour ne pas vous « dégoûter » je vous conseillerai donc de vous forger l’oreille avec des styles plus accessibles (on y vient ).
Pour les plus curieux voici néanmoins quelques musiques baroques stylées pour creuser
Toccata and Fugue in D Minor de Bach Si vous avez regardé fantasia ça devrait vous dire quelque chose, cette musique pour orgue est tellement cool, puissante et mélodique. On dirait vraiment la musique d’introduction avant un boss final (non je ne dis pas ça au hasard )
Marche pour la cérémonie des turcs de Jean-Baptiste Lully Putain sonner plus baroque que ça tu meurs. Lully était français et était LE musicien de Louis XIV. Une chose « amusante » sur lui, il utilisait un long bâton pour tenir la mesure en tant que chef d’orchestre (vous le voyez dans la vidéo) et lors d’une répétition il se tapa violemment l’orteil avec et mourut de la gangrène des suites de sa blessure. Voilà qui remet en perspective la fragilité de la vie.
L’été des 4 saisons de Vivaldi Avant d’être une délicieuse pizza, les 4 saisons étaient une oeuvre monumentale de l’italien Vivaldi, je vous ai fait écouté l’introduction du printemps tout à l’heure et là voici un extrait de l’été qui fait toujours son petit effet.
Te voilà pantois jeune internaute : « cet article parle de musique classique et tu nous sors que la musique classique est un sous-genre de la musique classique, aurais-tu abusé de marijuana voire de substances acides diverses? « .
Eh bien non ! Laissez-moi vous expliquer.
La vérité c’est que la musique écrite à cette période a tellement dépoté sa maman que l’on emploie dorénavant abusivement le terme musique classique pour définir toute la musique occidentale savante. On devrait donc parler de musique savante plutôt que classique pour parler du tout. C’est comme Nutella pour pâte à tartiner au chocolat , Klaxon pour avertisseur sonore, Abribus pour aubette, Dictaphone pour annotateur vocale ou Coton-tige pour bâtonnet ouaté. Cependant, alors que dire « Tandis que j’utilisais mon annotateur vocale en patientant dans l’aubette pour aller acheter de la pâte à tartiner au chocolat, l’avertisseur sonore d’une voiture me surprit au point que j’en fis tomber mes bâtonnets ouatés » vous fera juste passer pour un gros con, l’usage du terme musique savante, au mieux, ne sera pas compris, au pire, vous fera passer pour un intégriste prétentieux et élitiste.
Bref, après 150 ans de musique baroque bien complexe et codée, les mecs ont commencé à en avoir marre et à se dire qu’il valait peut-être mieux retrouver une forme de simplicité. C’est là qu’est née la musique classique. Ne vous méprenez pas, il y a toujours une multitude de règles sur la façon de composer mais l’auditeur le ressent moins. En effet là où la musique baroque envoyait des accords complexes dans tous les sens, la musique classique met l’accent sur la mélodie ce qui rend cette musique beaucoup plus accessible.
En musique on a les accords d’un côté (main gauche au piano) qui sont des ensembles de notes qui donnent la « couleur » du morceau et la mélodie de l’autre (main droite au piano) qui donne les « phrases » du morceau.
Mozart : La marche turque, là vous kiffez bien la mélodie.
Et puisque l’on parle de Mozart, sachez qu’il est le représentant de la musique classique par excellence qu’il a portée vers la perfection. Ce cher Amadeus a laissé une oeuvre hallucinante (vraiment, très, très, très hallucinante) et a touché à tous les genres de son époque.
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Mozart possédait l’oreille absolue, c’est à dire qu’il pouvait reconnaître n’importe quelle note, de plus il possédait une mémoire eidétique ce qu’il veut dire qu’il retenait tout (oui comme Sheldon Cooper ou encore Mike Ross dans Suits). Un jour qu’il avait 14 ans, il assista à une messe dans la chapelle Sixtine du Vatican pendant laquelle était jouée le Miserere de Gregorio Allegri, une oeuvre de 15 minutes dont la partition était secrète et conservée par l’église. Mozart rentra chez lui le soir et retranscrivit la partition complète de mémoire qu’il publia, obligeant l’église à cesser le secret.
Autre chose qui me met VRAIMENT sur le cul. Mozart est mort à 35 ans. J’aimerais vous rappeler que le mec avait déjà révolutionné 26 fois la musique en 35 ans et que sa dernière oeuvre, son requiem est tellement géniale et en avance sur son temps que c’est indécent. Qu’est-ce qu’il aurait écrit d’autre s’il avait vécu jusqu’à 80 ans ? On saura jamais et ça FAIT CHIER.
Mais revenons à la musique classique, nous avions dit que la mélodie était mise en avant. C’est la première grande évolution par rapport au baroque, la deuxième c’est que la musique devient dramatique. Il est difficile de décrire le dramatique en musique mais c’est en gros quand la musique commence à bien vous émouvoir, à vous toucher au cœur sans passer par le cerveau.
Et c’est là qu’intervient notre ami Beethoven à la fin du 18ème siècle (pour vous situer, c’est l’époque où on a décapité les rois et où on a renommé Grenoble en Grelibre, d’ailleurs plein de villes ont été renommées de façon très chelou, voici une carte si vous voulez vérifier la vôtre)
L’ami Beethoven à qui Universal rendra un brillant hommage 200 ans plus tard sous la forme d’un Saint Bernard dans une série de film que tout le monde a oublié était tellement BADASS qu’en plus de dépoter dans le style classique il le dépassa totalement et posa les bases du style de musique qui allait dominer tout le 19ème siècle : la musique romantique.
Beethoven est d'ailleurs responsable de l'un des plus gros coups de génie de l'Histoire de la musique, cliquez pour en savoir plus
Petites digressions sur la neuvième symphonie de Beethoven
Je dois vous parler de la neuvième symphonie de Beethoven.
AVERTISSEMENT, les paragraphes qui vont suivre décrivent un niveau de génie, de classe et de talent très élevé
Pour vous poser le contexte, en 1817, Beethoven a 47 ans et depuis 5 ans sa vie est un mix entre dépression, maladie, envie de suicide, pauvreté et perte de reconnaissance de ses pairs.
Pour résumer c’est la grosse dèche.
Mais le mec va prendre sur lui et décider de se remotiver et de se remettre à écrire, il va composer un certain nombre d’œuvres pour piano qui seront décriés par ses contemporains en mode :
T’as écouté la dernière de Beethoven ? C’est vraiment risible, le mec est tellement has been et ne mérite même pas notre attention, mais t’as entendu le dernier Rossini ? Il dépote.
La vérité c’est que ces œuvres sont tellement en avance sur leur temps que les gens ne comprennent pas, à vrai dire sa sonate N° 32 a des sonorités qui préfigurent le Jazz plus de 100 ans avant son invention (de là à dire qu’il a inventé le jazz 100 ans avant tout le monde il n’y a qu’un pas que l’on va franchir avec allégresse parce que ça rend le mec encore plus génial). Encore mieux Beethoven connait le coté visionnaire de sa musique, il n’en a rien à carrer que tout le monde se foute de sa gueule et déclare » Vous comprendrez dans 50 ans les gars » (il a probablement pas dit « les gars » mais je modernise).
L’Histoire lui a évidemment donné raison.
Dans ce contexte, Beethoven, sachant qu’il lui reste peu de temps à vivre, décide de marquer le coup et de faire SA PUTAIN D’OEUVRE et il écrit la neuvième symphonie.
Si l’on devait élire la plus grande musique de tous les temps ça serait celle-là.
Lorsque la symphonie a été présentée, tout le monde était littéralement sur le cul, pendant 70 minutes Beethoven dans un contrôle et une parfaite maîtrise de son oeuvre révolutionne la musique avec des innovations jamais vues ou imaginées à l’époque. Wagner dira que c’est la dernière symphonie, comme si on ne pouvait rien ajouter, rien composé tellement ça dépassait tout (et attention Wagner c’est aussi du gros génie).
Le support CD fait 70 minutes parce que les ingénieurs de Phillips qui l’ont créé voulaient que la 9ème symphonie tienne sur un unique disque
Comble du tout, le thème de la symphonie, la fameuse ode à la joie est un fantastique message humaniste adressé au monde entier, Beethoven conscient de son génie et de sa mort prochaine voulait partir en laissant un message de paix sous la forme de la plus grande oeuvre musicale jamais créée, ce qu’il a fait.
JE VOUS RAPPELLE QUE LE MEC ETAIT SOURD.
Si ça ne vous redonne pas foi en l’humanité ça.
Aujourd’hui l’ode à la joie est l’hymne de l’union européenne pour son message de paix humaniste et parce qu’elle est le symbole de la culture européenne
Bon je sais que 70 minutes c’est long mais commencez par le quatrième mouvement qui ne fait « que » 20 minutes et la prochaine fois que vous cherchez une musique d’ambiance pour vous aider à bosser pensez-y.
Cliquez pour une petite sélections de musiques géniales du genre classique
Le requiem de Mozart Mes amis, là on touche à du lourd, une des dernières œuvres du génie. Rien d’autre à dire, écoutez et kiffez moi ça.
La Symphonie N°45 de Joseph Haydn On parle beaucoup moins souvent de Haydn que de Mozart ou Beethov et pourtant le Haydn était un compositeur MAJEUR de la période classique, rendons-lui hommage.
La musique romantique (1815-1910)
Oui il s’agit bien du même romantisme qui vous a probablement fait chier au collège, mais vous êtes grands maintenant, prenez sur vous (si tu lis ça et que tu es au collège, bravo, avoir cliqué puis tenu aussi longtemps dans un article qui parle de musique classique est une fantastique preuve de ta maturité, moi à ton âge je jouais à la Playstation, ah FFX…).
Du coup je vous parlais du côté dramatique de la musique ben là on l’a poussé à l’extrême, la musique romantique est là pour vous faire comprendre, la beauté, la tristesse la fragilité de la vie mais Wikipédia le dit bien mieux que moi :
Le romantisme se caractérise par une volonté d’explorer toutes les possibilités de l’art afin d’exprimer ses états d’âme : il est ainsi une réaction du sentiment contre la raison, exaltant le mystère et le fantastique et cherchant l’évasion et le ravissement dans le rêve, le morbide et le sublime, l’exotisme et le passé. Idéal ou cauchemar d’une sensibilité passionnée et mélancolique.
Bref je parle, je parle mais voyons à quoi ça ressemble le romantisme avec le Liebestraum de Liszt:
Oui j’aurais pu mettre Chopin mais j’ai décidé de faire un chouïa plus original et puis c’est aussi parce que j’adore personnellement cette musique. Ah et Liebestraume (pour tous ceux qui ont pris LV2 Espagnol ) en français ça veut dire rêve d’amour ; tu le sens le gros romantique là ?!
Une autre chose qui ressort du romantisme est l’expression de l’individualité, en effet alors que la musique classique et baroque étaient encore remplies de règles de composition très strictes, le romantisme commence à vraiment s’en libérer. Ce qui compte n’est plus de faire de la musique « noble » mais bien de faire ressentir des choses à l’auditeur.
Ces raisons font que la musique romantique est la plus facile d’accès et c’est pour ça qu’on va en parler un peu plus longtemps.
La symphonie et le concerto dominent
Il y a une chose importante que nous n’avons pas encore abordée. Il existe plein de formes différentes de musique classique. Concerto, prélude, fantaisies, symphonie, messe, etc.. Vous avez sûrement vu ces noms et ils correspondent à une espèce de tradition d’écriture en fonction de la structure de la musique et des instruments.
Par exemple, le liebestraume de Lizst était une nocturne c’est à dire une composition lente pour piano seul. La nocturne était très populaire pendant la période romantique avec bien sûr toutes celles de Chopin :
(Les compositions pour piano de Chopin sont d’ailleurs prodigieuses, magnifiques et tout le monde les aime, alors je vous ai trouvés une petite playlist à écouter lors des longues soirées d’hiver.)
Mais il y a un type de musique qui a réellement explosé pendant le romantisme : la symphonie.
La symphonie est un morceau écrit pour un orchestre symphonique (soit une centaine de musiciens), et qui en général contient plusieurs mouvement (en gros les mouvements sont à la symphonie ce que les chapitres sont au livre ). La symphonie est souvent la forme musicale la plus ambitieuse et correspond généralement à l’oeuvre la plus aboutie d’un compositeur.
Un exemple avec la 9ème symphonie de Dvořák ou « symphonie du nouveau monde » car inspirée par le séjour que le compositeur a effectué aux USA dans les années 90 (1890 bien sûr). Cette magnifique symphonie ambitionne de décrire « musicalement » les USA de l’époque.
Le deuxième mouvement de la symphonie est très lent, mélancolique et nostalgique :
Quand le quatrième mouvement est épique et dynamique (j’en veux pour preuve, les gimmicks du chef d’orchestre qui feraient passer un accro à la coke pour un narcoleptique) :
Le concerto quant à lui correspond à un dialogue entre un soliste (très souvent au piano ou au violon pendant la période romantique) et un orchestre. Le soliste est alors un peu la rockstar du concert puisqu’il doit assurer une partition souvent très complexe et virtuose face aux 100 musiciens qui composent l’orchestre. (Non mais vous vous imaginez avoir 100 putains de bons musiciens qui jouent pour vous soutenir, on doit se sentir à la fois le roi du monde et le roi des stressés)
D’ailleurs à cette époque les solistes étaient souvent les compositeurs eux-mêmes puisque leurs compositions imposaient une maîtrise de l’instrument et une virtuosité qu’ils étaient souvent les seuls à posséder.
Sergueï Rachmaninov en est l’exemple parfait. Ce compositeur Russe vivait à la fin du 19ème siècle et avait pour ambition d’atteindre la perfection dans le romantisme. Il était aussi un virtuose du piano puisque ses compositions sont encore réputées aujourd’hui comme étant les plus techniques et les plus difficiles à reprendre. On retrouve donc dans ses œuvres une grande complexité alliée à une espèce de « grandiose mélancolique » (bon terme à la con (oui c’est de moi) mais c’est dur de décrire le ressenti d’une musique). Voici l’une de ses plus grandes œuvres et accessoirement mon concerto préféré :
Mais ça dure 37 minutes ton truc ! :(
Alors oui parlons de quelque chose de primordial lorsque l’on écoute de la musique (et pas que classique).
Lorsque nous apprécions la musique, c’est principalement parce qu’on la reconnaît. Cela vous est sûrement arriver de ne pas aimer une musique à la première écoute et de l’apprécier après plusieurs écoutes.
La musique populaire moderne est extrêmement répétitive si on l’a compare à la musique classique. Une musique de 3 minutes contenant deux couplets et trois refrains ça se retient (et donc cela s’apprécie) très rapidement et facilement.
Un concerto de 37 minutes qui plus est sans structure à laquelle vous raccrocher demande un peu plus de patience pour être apprécié.
Même si vous devriez apprécier certains moments dès la première écoute, le reste pourrait tout simplement… vous faire un peu chier.
Mon conseil est le suivant, écoutez ça en travaillant, en dormant ou que sais-je encore, au fil des écoutes vous commencerez à retenir les thèmes, les évolutions et à chaque écoute vous apprécierez davantage.
Pour vous faire comprendre, j’ai écouté pour la première fois ce concerto il y a maintenant 8 ans et je le réécoute depuis régulièrement sans m’en lasser.
Plus c’est long à apprécier, plus ça mettra du temps à lasser, tout simplement.
Puisqu’on est dans les concertos russes je vais vous parler un peu de Monsieur Piotr Ilitch Tchaïkosvski qui a écrit des concertos très sympas en plus d’avoir un nom impossible à écrire sans vérifier Wikipédia et d’avoir composé les ballets casse-noisettes et le lac des cygnes (qui sont tellement connus que je ne vais pas en parler ici, allez (re)voir Black Swan).
Ecoutez juste la première minute au pire, comment on peut avoir des problèmes dans la vie après avoir entendu ça ?
Et après ?
Comme on a vu pas mal de choses on va s’arrêter là.
Pour info le 20ème siècle a vu de nouveaux courants de musique où la tendance était principalement de s’émanciper de toutes règles de composition et de chercher le dissonant. Ce sont déjà des courants un peu moins accessibles mais très intéressants et cela fera peut-être l’objet d’un nouvel article, on verra.
J’espère vous avoir un peu ouvert les oreilles sur ce sujet passionnant qu’est la musique classique et comme je ne vais pas vous laisser partir seul comme ça voici des liens utiles pour creuser.
Le point culture de LinksTheSun sur la musique classique
Le très talentueux Youtuber LinksTheSun a sorti un point culture de 35 minutes qui vous introduira la musique classique de façon beaucoup plus exhaustive que moi et je vous le conseille chaudement, c’est drôle, intéressant et un plaisir à regarder :
Classify
Si vous utilisez Spotify, je vous recommande vivement de télécharger l’application Classify qui vous permet de découvrir toute la musique classique par compositeur, par courant, par instrument, par ambiance, par type de composition etc… C’est vraiment le logiciel le mieux foutu que je connaisse pour découvrir la musique classique. Un must-Have.
Les collections Je n’aime pas le classique mais ça j’aime bien !
Ces compilations de musique classique ont été réalisées afin de désacraliser la musique classique et c’est réussi. Ces albums vous offriront moult et moult compositeurs via des œuvres courtes et accessibles, l’idéal pour se faire une petite culture. Les albums sont dispos sur Deezer et Spotify ou via Amazon et autres magasins si vous achetez encore vos CD tel un homme des cavernes.
Mes humbles playlist
J’ai quelques playlists sur Spotify qui devraient vous donner suffisamment d’heures de musique classique surtout dans le style romantique. En espérant qu’elles vous plaisent.
Difficile de passer à côté du premier teaser du prochain Star Wars, dévoilé le 28 novembre, soit un peu plus d’un an avant la sortie de ce 7ème opus. En à peine une minute, les petits malins que sont les communicants de Disney ont déchaîné le côté obscur d’Internet.
Les spécialistes ont déjà trouvé un potentiel faux raccord et les haters s’en sont donné à cœur joie, critiquant la garde du nouveau sabre laser ou le fait de voir un Stormtrooper noir, incarné par John Boyega. Les « fans » aussi, proposant souvent des détournements hilarants, parfois de mauvais goût. Je pense par exemple aux teasers façon George Lucas ou Lego, sans doute plus motivés par la « YouTube money » que par l’hommage artistique.
Mais Disney s’apprête à frapper à nouveau, ce teaser n’étant qu’un avant-goût de la bande-annonce. Le site américain Slashfilm donne le coup d’envoi des spéculations en annonçant que ce nouvel extrait sera diffusé le 1er mai, à l’occasion de la sortie outre-Atlantique d’Avengers : Age of Ultron. La BA pourrait même être dévoilée à la fin du film, comme c’est désormais la coutume chez Marvel. Deux éléments soutiennent cette théorie.
D’abord, la proximité avec le Star Wars Day (4 mai), date mythique pour les fans de Star Wars qui peuvent alors reprendre en chœur « May the Fourth be with you« , détournant ainsi la réplique symbolique de la saga.
Ensuite, la logique commerciale, alors que le teaser de Star Wars 7 vient de battre un record avec déjà au total près de 60 millions de vues. C’est mieux que les 50 millions d’Avangers : Age of Ultron, le précédent record. Il y a fort à parier que Disney, après avoir dépensé des milliards pour les droits de Star Wars et des franchises Marvel, ne va pas se priver d’en utiliser un pour promouvoir l’autre, et inversement.
Aujourd’hui, Canal fête ses trente ans, et vous n’avez pas fini de l’entendre. Pour l’occasion, la chaîne cryptée a mis en place un générateur d’épisodes de Bref, la mini-série de Kyan Khojandi.
En cliquant sur ce lien, vous pourrez créer votre propre épisode en sélectionnant trois émissions ou moments cultes. Et vous aurez l’embarras du choix : Nulle part ailleurs, Les Nuls, Les Guignols, Le Grand Journal, Jean-Yves Lafesse ou encore les Tutos…
Ces choix vont modifier l’épisode de base en changeant les répliques, les personnalités qui interviennent, les scènes… C’est assez drôle et on refait facilement trois ou quatre fois l’expérience. La veille de l’anniversaire officiel de la chaîne, plus d’un million d’épisodes avaient déjà été générés.
Mais les programmeurs du site de Canal sont allés plus loin, en cachant un épisode inédit dans le générateur. Pour le trouver, il fallait entrer un code bien connu dans le monde des jeux vidéo qui s’est depuis répandu comme un clin d’œil chez les développeurs. Un peu comme le cri Wilhelm au cinéma.
Un premier indice a été donné par Lâm Hua (Studio 404), avant que le pot aux roses soit dévoilé par Sebastien_G (CQTM / FrenchWeb.fr).
Hahaha, le générateur de « Bref 30 ans », cache un épisode complètement fou ! Indice : Konami + écran tactile http://t.co/ySs5thajc5
Il y a une version POOP de Bref, 30ans caché derriere la version mobile via un Konami code :) => http://t.co/6qu0ZQqjhc — Sébastien Gestiere (@Sebastien_G) 3 Novembre 2014
Ce dernier nous en dit plus sur le code Konami : « Pour l’histoire, c’est un cheat code qui est devenu mythique dans Gradius puis Cobra (des jeux de bornes d’arcade du japonais Konami datant des années 80, ndlr) parce que les développeurs trouvaient le jeu trop dur ».
Quant à la désignation « Poop », Sébastien fait référence aux YouTube Poop, ces vidéos totalement absurdes désignées par les Américains comme la lie (pour être poli) de la plate-forme vidéo. Totalement connes, donc absolument géniales, ces vidéos détournent des séquences célèbres avec des effets kitch, des images subliminales ou encore des coupes de montage. Vous trouverez d’autres exemples dans le décryptage de Madmoizelle.
Double-cliquez pour afficher la vidéo en plein écran
Vous vous souvenez de la super chanson d’Afroman « Because I Got High » ? Eh bien 13 ans après, le rappeur américain a décidé de ressortir une nouvelle version en modifiant grandement les paroles.
Alors que la musique originale présentait le rappeur ruiner sa vie à force de fumer des joints, cette nouvelle version décrit les avantages qu’a apportés la légalisation de la marijuana au Colorado et dans l’état de Washington aux USA.
Afroman est en effet un grand partisan de la légalisation et il tenait à apporter une nouvelle approche à son célèbre hit.
Cette nouvelle version est donc plus pragmatique et moins personnel :
« Avant je prenais du xanax, puis je me suis défoncé »
« Ils ont construit une école ou deux, parce que je me suis défoncé »
« Je n’ai plus à acheter et à financer des gangs, parce que c’est légal »
Que l’on soutienne ou pas sa cause, ça fait toujours du bien de réécouter cette musique.
Batman n’a pas toujours été le chevalier sombre de la trilogie de Nolan. Le groupe de musique classique The Piano Guys ne l’a pas oublié et rend dans cette vidéo un hommage aux différentes adaptations de la saga, à commencer par la très burlesque série Batman des années 60.
Alors que le super-héros va fêter ses 75 ans et que la nouvelle série « Gotham » est diffusée depuis la semaine dernière outre-Atlantique, les hommages se multiplient. Ici, c’est le site Vulture qui rassemble toutes les scènes des assassinats des parents de Bruce. L’occasion encore une fois de voir évoluer l’ambiance des différentes adaptations.
Enfin, si vous n’êtes toujours pas rassasiés, je vous conseille les vidéos de l’excellent Durendal et sa rétrospective Batman :