Le 23 avril 2013, après 136 heures de débats, l’Assemblée nationale votait la loi dite du « mariage pour tous ». Le même jour, je publiais le texte qui va suivre et dans lequel j’explique pourquoi le mariage, après tout, on s’en fout un peu…

Le vote du mariage gay, si vous l’aviez oublié, c’était encore la belle époque : pendant plusieurs mois, la France n’avait d’autres préoccupations que de savoir si les homosexuels avaient les mêmes droits que les autres citoyens. Pros ou antis mariage gay passaient leurs journées à manifester… Au diable la crise économique, la guerre en Syrie ou la montée du FN ! C’est de l’avenir de la France dont il était alors question !

Mariage_gay_ANFAD_CC_Flickr

Deux ans plus tard, on peut bien en rigoler. À part la question anecdotique de l’adoption, et celle bien plus problématique de la PMA (et toutes les dérives que cela peut occasionner, du genre louer le ventre d’une mère indienne pour 1500 euros – un cas mis en avant avec fierté par le 20h de France 2 à l’époque, si si), le sujet du mariage gay semble entré dans les mœurs : 68% des Français s’y déclarent favorables.

En 2014, 4% des 241 000 mariages célébrés en France concernaient des personnes du même sexe, soit 10 000 unions homosexuelles, dans la lignée des 7500 mariages prononcés en 2013. Mais si le mariage gay est en hausse (sans doute sous l’effet de son autorisation) le mariage en général est un phénomène en recul : en 2012, un total de 251 000 unions étaient célébrées.

Ainsi, si l’on considère que le mariage gay ne concerne qu’une infime partie de la population (il y avait seulement 100 000 couples homosexuels en France en 2011 selon l’INSEE) et que le mariage est une institution sur le déclin, on peut en conclure que ce débat était un faux débat.

Voilà ce que j’en disais il y a deux ans.

Le mariage, une institution dépassée ?

L’union sacrée entre deux êtres que représente le mariage est, selon l’expression consacrée, aussi vieille que le monde. Les lois d’Eshnunna, découvertes sur des tablettes en Iraq sur un site de l’antique Mésopotamie et qui précèdent le fameux Code d’Hammurabi exposé au Louvre, fixent déjà, 2000 ans avant J-C, le cadre législatif d’une telle union : accords des parents mutuels, arrangements financiers, clauses de rupture ! Le romantisme, rappelons le, ne sera inventé qu’au 18e siècle.

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Bien que la mythologie antique et même les chansons de geste médiévales recèlent des histoires d’amour, le mariage à l’époque, c’est avant tout du business. Les ressources étaient rares et précieuses, la prospérité basée sur la poussée démographique et territoriale… Le mariage est un outil diplomatique permettant à la fois de rapprocher et réunir les richesses de deux clans et d’assurer le brassage génétique.

Dès lors le mariage devient la « clef de voûte de l’édifice social » comme l’indique l’historien Georges Duby dans Le Chevalier, la Femme et le Prêtre : « Les rites du mariage sont institués afin d’assurer la répartition des femmes entre les hommes, discipliner autour d’elles la compétition masculine, officialiser et socialiser la pro-création ». En attendant la découverte de l’ADN et les tests de paternité, le mariage est avant tout un moyen d’assurer la filiation… (après la monogamie, comme on vous l’explique ici !)

Sont considérés comme légitimes les enfants nés dans le cadre du mariage. Cette filiation permet alors la transmission du patrimoine accumulé par les générations / les unions précédentes. Dans une société médiévale où la noblesse – à commencer par le roi, charge héréditaire – est toute puissante, le mariage prend une place prédominante.

Mariage économique vs mariage d’amour

Mais l’abolition des privilèges héréditaires et le développement économique liés aux révolutions politiques et industrielles vont changer la donne. La séparation de la religion et de l’Etat, l’élargissement des droits des femmes (divorce) et l’enrichissement lié à la révolution industrielle et à l’ascenseur social rendent obsolètes les mariages arrangés.

Dans son dernier livre De l’Amour. Une philosophie pour le 21e siècle, Luc Ferry fait l’apologie du mariage d’amour, « la naissance de la famille moderne, enracinée dans le passage du mariage arrangé au mariage choisi par et pour l’amour. » Mais l’amour, contrairement aux mariages arrangés, n’est pas inscrit dans le marbre. L’augmentation du nombre des divorces et des familles recomposées le prouve : pour 251 000 mariages en 2012, soit 10 000 en moins qu’un an plus tôt, l’INSEE décompte 133 000 divorces.

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Dans le même temps le nombre de PACS atteint 205 000… Car depuis 1999, existent aussi les statuts de concubin et de partenaire qui apportent un cadre législatif au foyer. Le mariage n’est en effet plus la « situation juridique » propice pour « organiser une vie commune » et « préparer la création d’une famille » comme on peut le lire dans la plupart des descriptions.

En 1965, seulement 5,9% des naissances avaient lieu hors mariage. Un chiffre qui a atteint l’an passé 56,6% selon l’INED.

Sans réelle dimension économique exclusive, sans réelle valeur pour prouver une filiation, mis à mal par l’augmentation des divorces et des naissances hors mariage, le mariage apparaît alors comme une coquille vide par rapport à ses buts initiaux.

Pas de quoi fouetter un chat donc, ni battre le pavé, alors que la France doit faire face à des phénomènes autrement plus préoccupants (installation du chômage, absence de reprise économique, affaiblissement de la gauche face à l’extrême-droite)…

Alors pourquoi autant vouloir le mariage gay ?

Pourquoi le refuser ?

Au fil du temps, l’institution du mariage s’est transformée pour coller avec son époque. D’un simple contrat entre famille dans l’antiquité, la morale catholique médiévale l’a doté de rites sacrés avant que l’époque moderne n’en fasse un cadre basé sur l’amour du conjoint et de ses enfants.

Aujourd’hui, le mariage s’apprête à endosser un nouveau rôle.

Celui du symbole d’une société plus ouverte et égalitaire?

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Crédit photo : Purple Sherbet Photography et Association Nationale de Formation à l’Actualité et aux Documentaires (ANFAD).

Journaliste, diplômé en économie et en histoire, j'ai fait mes classes au service sport du quotidien La Marseillaise avant de tomber dans le Web et l'actualité du numérique. Avec Snackable, je vais essayer de vous faire partager ce qui me passionne ou m'interpelle.

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