Et nous ramène à la réalité...

L’Ice bucket challenge semble bien loin de s’essouffler. Lancé au printemps par des pros de golf et de motocross puis transformé en opération de « charitainment » par un responsable de l’association de lutte contre la maladie de Charcot, le challenge a été popularisé par d’anciens sportifs qui sont victimes de ce qu’on appelle également l’ALS, à l’image de Peter Frates qui, nominé, expliquait pourquoi il n’avait pas pu se verser un seau d’eau sur la tête…

Cette « chaîne » s’est démarquée des autres phénomènes viraux qui pullulent sur Facebook lorsque Mark Zuckerberg y a lui-même participé. En mettant un pied dans la Silicon Valley, parmi les stars de l’Internet, trop contentes de participer à une « oeuvre caritative » capable de soigner leur image et de faciliter l’adhésion à leurs services, l’Ice bucket challenge s’est assuré une reconnaissance mondiale.

Stars et anonymes rassemblés…

Depuis, difficile de citer une personnalité, un acteur, un sportif, un politique ou un journaliste qui ne se soit pas mouillé ! En effet, de nombreuses célébrités ont su profiter du buzz en se nominant entre-elles, quand ce n’est pas simplement un haut responsable d’un réseau social et un conseiller en communication qui ont encouragé son développement… Sans arrière-pensée, évidemment ! Même George W. Bush s’y met, et on aurait envie de lui jeter autre chose qu’un seau d’eau étant donné la situation actuelle en Irak.

Et quand les marques entrent en scène, que faut-il en penser ? On peut louer la créativité des communicants de Samsung, qui ont fait participer le Galaxy S5 au défi avant de nominer le dernier iPhone, qui lui n’est pas étanche… Mais faire entrer à ce point un phénomène à vocation caritative dans une guerre marketing fait aussi l’effet d’une douche froide.

Alors bien sûr, l’Ice bucket challenge et plus généralement tout ce qui permet d’encourager les dons est une bonne chose. Grâce au buzz et à l’enthousiasme des nombreux anonymes et célébrités qui l’ont alimenté, les associations de lutte contre la maladie de Charcot ont récolté près de 70 millions de dollars cette année aux Etats-Unis, contre à peine 2,5 millions l’an passé à la même période, tandis qu’en France les dons ont triplé.

Mais a-t-on réellement besoin d’un buzz sur Internet pour faire preuve de générosité ? C’est le message que de nombreux internautes, célèbres ou non, ont voulu faire passer en critiquant l’Ice bucket challenge.

Donc, vous gâchez de l’eau potable pour éviter de récolter des fonds pour une association caritative ?
« Donc, vous gâchez de l’eau potable pour éviter de récolter des fonds pour une association caritative ? »

… au risque de se détourner de l’essentiel

La critique la plus intelligente du défi nous vient d’ailleurs de Gaza, où les affrontements entre le Hamas et l’armée israélienne viennent de cesser après deux mois de destruction. Alors que la presse et la politique occidentale se sont peu à peu détournées du sujet, laissant à l’Egypte le soin de mener des négociations de paix, le journaliste Ayman Aloul a décidé de créer la version palestinienne du défi afin de remettre Gaza au cœur de l’actualité.

Non sans une certaine dose d’ironie et de cynisme, il rappelle que les habitants de Gaza n’ont pas assez d’eau pour se la verser sur la tête. Le « Rubble bucket challenge » remplace ainsi l’eau glacée par les gravats, beaucoup plus faciles à trouver à Gaza. Reprenant les codes de l’Ice bucket challenge, nombreux sont ceux qui ont nominé Benyamin Netanyahu, Barack Obama et d’autres responsables politiques afin qu’ils découvrent quelle est la sensation de recevoir une partie de sa maison sur la tête. Le conflit a fait du côté palestinien 2 042 morts, parmi lesquels 1 444 civils dont 478 enfants, pour 68 tués, dont 4 civils chez les Israéliens.

Enfin, près de 60 000 habitations auraient été détruites, ainsi que des écoles, des hôpitaux, des stations de traitement des eaux et enfin l’unique centrale électrique du territoire. La reconstruction, chiffrée à 6 milliards de dollars par l’Autorité palestinienne, est rendue difficile par les restrictions sur l’importation du ciment imposées par Israël, de peur que le Hamas ne l’utilise pour la construction de nouveaux tunnels. Selon l’ONU, qui a constaté ces destructions, il faudrait 18 ans pour reconstruire Gaza dans les conditions actuelles et alors que les dégâts liés aux deux précédents conflits en 2009 et 2012 ne sont toujours pas complètement réparés. Assez pour inciter les internautes à se mobiliser ?

Pleine d’humilité, cette version dénote par rapport au Ice bucket challenge où ce qui était au départ mis en avant, l’aide à une bonne cause, a vite été relégué au second plan : c’est maintenant la course à celui qui fera la vidéo la plus originale ou celle avec le plus de moyens, camion-citerne ou hélico à l’appui.

Une débauche qui se justifie lorsqu’on parle de divertissement, mais qui fait grincer les dents quand il s’agit d’une bonne cause ou de charité. Surtout quand de plus en plus d’associations ou de personnes comme Ayman Aloul sont maintenant obligées de faire dans la surenchère pour bénéficier d’une couverture médiatique, au risque de se détourner de leurs priorités et de lasser peu à peu le public.

Pour un résumé complet du phénomène Ice bucket challenge, c’est ici.

Source photo : Flickr / Anthony Quintano

Journaliste, diplômé en économie et en histoire, j'ai fait mes classes au service sport du quotidien La Marseillaise avant de tomber dans le Web et l'actualité du numérique. Avec Snackable, je vais essayer de vous faire partager ce qui me passionne ou m'interpelle.

2 COMMENTS

  1. Le mot « Pire », au début du deuxième paragraphe après la vidéo, est peut-être mal choisi. Le fait de perdre des habitations est pire que la perte de vie humaine ?

    • En effet, ce n’est pas le mot le plus approprié. Néanmoins, les conséquences de ces destructions peuvent être tout aussi mortelles pour les Palestiniens privés d’abris, d’électricité et de soins.

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