Mourad Fares, Abou Hassan ou Mourad Al-Faransi. Derrière ces noms se cache un Français, arrêté mi-août en Turquie et transféré hier en France. Désigné comme « déterminant dans le recrutement » de jeunes compatriotes par Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, il sera présenté à un juge en vue de sa mise en examen.

Agé de 29 ans et originaire de Haute-Savoie, Mourad Fares était en Syrie depuis juillet 2013, où il organisait le passage de nouveaux djihadistes depuis la Turquie. Très actif sur les réseaux sociaux, il faisait la promotion de l’Etat islamique, avant de rejoindre le Front Al-Nostra, un groupe djihadiste rival. Selon la plupart des journaux français, il apparaîtrait dans cette vidéo de Vice, tournée en Syrie en janvier dernier.

 

Selon RTL, il avait même été interviewé par Vice France en février dernier. Un document sur lequel j’étais tombé il y a quelques semaines, étant donné que sur Snackable, on aime bien s’informer et vous informer de la situation au Moyen-Orient.

Il se trouve que le journaliste de Vice France connaissait la personne, rencontrée en 2005 à Lyon, et avait eu la surprise de découvrir son départ pour le djihad sur Facebook. C’est grâce au réseau social, où l’homme s’affichait clairement comme djihadiste, que l’interview a été réalisée.

« On s’était rencontrés en soirée, et on était pas mal sortis en boîte ensemble. C’était quelqu’un de très instruit. On avait pas mal de discussions sur la religion. Il était très au fait de la religion musulmane, mais nulle trace d’extrémisme chez lui : il fumait et buvait, par exemple. Je suis même allé en vacances chez lui au Maroc  » raconte Johann Prod’homme.

Photo Facebook de l'homme interviewé par Vice, qui pourrait être Mourad Fares (à gauche).
Photo Facebook de l’homme interviewé par Vice, qui pourrait être Mourad Fares (à gauche).

Dans l’interview, l’homme ne cache pas son activité de recruteur : « Je suis le principal recruteur. Les journaux parlent d’un recruteur en région Rhône-Alpes, lol. Ils ne sont pas au courant que je n’y suis plus depuis longtemps, mais la DCRI sait tout. Tout les djihadistes dont on parle dans les journaux sont passés par moi : les dix jeunes de Strasbourg, les deux jeunes de Toulouse, la mineure de 16 ans, et beaucoup d’autres… »

Le 24 juillet, un mandat d’arrêt international a été émis. C’est notamment le départ du groupe de dix Strasbourgeois, dont sept ont été depuis arrêtés, qui ferait l’objet de sa mise en examen.

L’homme évoque aussi la situation en Syrie : « Contrairement à ce que les autorités françaises révèlent, nous ne sommes pas 700 Français ici comme ils disent, mais plus de mille.
Il y a ici plus de 70 nationalités différentes. Ils viennent majoritairement d’Arabie saoudite, de Tunisie, de Libye ou de Russie. Y’a de tout, vraiment : même des Chinois, des Australiens, des Canadiens, des Norvégiens… Ici, c’est un rendez-vous historique pour la communauté musulmane. »

« Tu veux savoir la vérité? Bachar est défait depuis longtemps. C’est l’Iran et la Russie qui sont ici avec leurs armes et leurs soldats pour combattre les rebelles et les djihadistes. Le PKK (Parti des Travailleurs Kurdes qui milite pour un Kurdistan indépendant en Turquie et dont la filiale syrienne, le PYD, est considérée comme une organisation terroriste, ndlr) aussi est allié à Bachar. Ça, c’est le début, et bientôt les USA et l’ONU interviendront. »

La villa occupée par les djihadistes
La villa occupée par les djihadistes

L’homme parle également les conditions de vie des djihadistes du Front Al-Nostra, qu’il a rejoint fin 2013, et notamment une villa occupée par son groupe : « Soixante personnes m’ont suivi. J’ai formé mon propre groupe et on a rejoint Jabhat al-Nosra (…) Ici, c’est facile dans le sens où on ne manque pas de nourriture, on ne dort pas dehors… On appelle ça la baraka. Et puis, c’est facile aussi dans le sens où on n’est pas face à face avec l’ennemi. C’est un combat qui se fait à des centaines de mètres de distance. C’est rare de voir l’ennemi en face. Ceux qui tirent ne savent même pas si ils ont tué des ennemis. »

Et à la question du retour en France, il se montre lucide : « Je ne suis pas près de rentrer en France. Si je rentre demain, je suis parti pour quinze ou vingt ans de prison avec le dossier qu’ils ont sur moi. »

Pourtant, si l’homme interviewé par Vice est bien Mourad Fares, il sera identifié et arrêté le 16 août au Consulat de France d’Istanbul où il était venu demander un laissez-passer consulaire, vraisemblablement pour rentrer au pays.

Après le cas Mehdi Nemmouche et celui des membres britanniques de l’EIIL négociant avec leur gouvernement pour éviter la prison, la question du retour des djihadistes occidentaux se pose plus que jamais.

Journaliste, diplômé en économie et en histoire, j'ai fait mes classes au service sport du quotidien La Marseillaise avant de tomber dans le Web et l'actualité du numérique. Avec Snackable, je vais essayer de vous faire partager ce qui me passionne ou m'interpelle.

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