Alors que la Syrie et l’Irak n’ont plus le monopole des guerres ouvertes entre sunnites et chiites – les événements au Yémen sont toutefois plus d’ordre politique que religieux – de plus en plus de témoignages nous parviennent quant à l’organisation de la vie quotidienne au sein de l’État islamique en Irak et au Levant, aussi appelé Daesh.

Des ministères, des tribunaux et même une « autorité de protection des consommateurs »

Interrogé par l’AFP, un habitant de Raqqa, ville pro-Bachar du nord de la Syrie tombée aux mains des djihadistes en avril 2013, raconte comment ces derniers essayent d’organiser les institutions d’un véritable état. L’État islamique a ainsi mis en place dans sa nouvelle capitale des ministères de la Santé, de l’Éducation, de la Défense ou encore des Affaires religieuses. Ils occupent les anciens bâtiments officiels abandonnés. Des tribunaux fonctionnent également, recevant les plaintes et jugeant selon la charia, qui est enseignée aux plus jeunes dans les écoles. Des camps encadrent l’entrainement des adolescents plus âgés

Les installations pétrolières et gazières, ainsi que les centrales électriques et les infrastructures installées sur l’Euphrate sont vitales pour l’avenir du califat et continuent donc à tourner. « Il y a même une autorité de protection des consommateurs » ironise Abou Youssef, un militant opposé à Daesh. Pourtant, le califat ne fait pas de cadeaux à la population d’une ville où Bachar al-Assad avait passé les fêtes de l’Aïd al-Fitr en 2012, après le début du conflit.

Les djihadistes, qui sont les seuls à pouvoir être armés, ont organisé des brigades chargées de faire la police. Il y en a même une composée exclusivement de femmes armées qui ont le droit d’arrêter et de fouiller n’importe quelle femme dans la rue. Là-bas, tout est noir, des drapeaux de l’EIIL aux burqas des femmes, en passant même par les passeports attribués par le califat.

La ville est restée fidèle au régime jusqu'au bout / CC James Gordon
La ville est restée fidèle au régime jusqu’au bout / CC James Gordon

Les djihadistes touchent un salaire minimum de 300 euros par mois

Les habitants n’ont pas le droit de s’installer dans les cafés, réservés aux djihadistes, qui les excluent de la plupart des lieux publics. « Rien de bon ou d’amusant n’est autorisé », témoigne un autre habitant. Il est interdit de fumer ou de vendre du tabac. Une femme ne peut pas sortir sans voile intégral et sans être accompagnée par un homme de sa famille. « Chaque jour, quand le muezzin appelle à la prière, tout le monde ferme sa boutique et va à la mosquée, sous peine de prison », ajoute l’homme.

Les corps crucifiés et les têtes coupées qui ornent certaines places de la ville rappellent le sort de ceux qui s’opposent trop directement à l’EIIL. Enfin, pour asseoir sa domination et financer sa guerre, le califat prélève l’impôt auprès des non-djihadistes : les commerçants doivent ainsi payer 60 euros par mois, ce qui est beaucoup compte tenu de la situation du pays. « Même ceux qui sont trop pauvres pour payer doivent s’y plier » constate un dernier opposant interrogé par l’AFP. Ces derniers n’ont alors souvent pas d’autre choix que de rejoindre les rangs des djihadistes et pratiquent l’extorsion à leur tour.

Cet argent sert notamment à rémunérer les combattants et les fonctionnaires du califat, qui touchent un salaire de base de 300 euros par mois. De quoi pousser d’autres habitants désespérés à les rejoindre. Selon l’International Business Times, les djihadistes de l’État islamique représentent le « groupe terroriste le plus riche du monde ». Outre le racket pratiqué sur les populations locales ou les voyageurs qui traversent leur territoire, qui rapporterait une centaine de millions d’euros par an, l’organisation se finance grâce aux enlèvements et à la contrebande de pétrole et d’antiquités.

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Raqqa et Mossoul sont les principales villes conquises par l’EIIL

Un capital total de 2,3 milliards de dollars

Ils auraient ainsi développé un large réseau d’intermédiaires dans les pays voisins et revendraient du pétrole raffiné clandestinement « entre 25 et 60 dollars le baril, soit bien moins que les 100 dollars qui ont cours sur les marchés mondiaux », affirme Lou’aï al-Khattib, chercheur au Brookings Doha Center, une antenne d’un institut socio-économique américain implanté au Qatar. Selon lui, ces ventes assureraient aux djihadistes une manne financière quotidienne de 2 millions de dollars.

Au total, le budget du califat s’élèverait à 2,3 milliards de dollars, comme le laisse penser des informations retrouvées dans la cache d’un de ses dignitaires. Cet argent permettrait d’entretenir entre 20 000 et 60 000 combattants en Syrie et en Irak selon les sources, dont de nombreux non-syriens issus du Golfe, de Tchétchénie ou d’Asie Centrale. Plusieurs milliers d’occidentaux sont également sur place, venu seuls ou en famille.

 

Journaliste, diplômé en économie et en histoire, j'ai fait mes classes au service sport du quotidien La Marseillaise avant de tomber dans le Web et l'actualité du numérique. Avec Snackable, je vais essayer de vous faire partager ce qui me passionne ou m'interpelle.

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